Artistes 2.0
La première vedette de la musique fut probablement Enrico Caruso. Arrivé seulement 25 ans après l’invention du disque, qui permit pour la première fois de banaliser la musique non live en occident, il enregistra le 11 avril 1902 un premier disque sur une machine enregistrant à 71 tours/minute alors que les lecteurs tournaient à 78 tours/minute. Qu’importe. Quelque 265 chansons plus tard, Enrico Caruso avait vendu plusieurs millions de disques en français, en italien, en anglais, en espagnol et même en latin. Le bouche-à-oreille est rapide : la première vedette de la musique était née.
Bien des années et des icônes plus tard, le rock’n’roll et ses allégories arrivent dans les supermarchés en même temps que le consumérisme et la culture de masse. La culture, et notamment la musique, deviennent de plus en plus personnalisées par des artistes et l’on assiste à la création de phénomènes mondiaux à l’image de la Beatlemania dans les années soixante. A cette époque déjà, les magazines pour adolescents reflètent ces images d’icônes –au sens presque religieux du terme- et nombre de jeunes s’imaginent, balais à la main devant un miroir, en train de chanter devant des salles bondées et jeunes filles hurlantes, ou en train de forniquer avec le premier rockeur chevelu venu pour peu qu’il soit un peu connu.
Les années 2000 voient l’avènement de deux phénomènes qui vont radicalement changer la donne des jeunes fans. La première révolution s’opère à la télévision avec la naissance de la télé-réalité. Contrairement aux 50 ans passés, les programmes ne sont plus des « films », mais prônent au contraire la mort de la limite entre réalité –faussement mise en scène- et fiction. La télé-réalité apporte surtout avec elle des émissions comme Star Search ou Star Academy, faisant croire aux téléspectateurs que le simple fait de passer à la télévision permet de devenir célèbre, ce qui finit par se réaliser. La prophétie de Warhol était donc vraie.
L’autre grand changement des années 2000 est l’arrivée du numérique accompagné d’internet. Finis les enregistrements cassette des garages qu’on distribuait sur la place du village ! Dès lors, les compositions du monde entier se retrouvent sur internet à travers des dizaines de réseaux sociaux. L’avenir sera numérique ou ne sera pas.
La suite est logique. Les deux phénomènes, l’un social, l’autre technologique, se catalysent l’un l’autre et donnent naissance à des groupes hybrides : les artistes 2.0. En 2003, avec l’ouverture de MySpace, qui devient rapidement une plateforme majoritairement musicale, Internet devient un repère de découverte pour les maisons de disque. C’est Arctic Monkeys qui sera la première grosse signature « découverte MySpace » en entrant chez Domino Records en 2005. A peine sorti, le disque Whatever People Say I Am, That’s What I’m Not bat trois records de vente et les anglais font la une du Times le mois suivant avec le titre « Bigger than Beatles ». Encore eux.
Gnarls Barkley vit l’expérience inverse. Le duo de rappeur déjà signé perd sa signature en sortant à tout pris leur Grey Album (un mix entre le White Album des Beatles et le Black Album de Jay-z) sans les droits, ils sont lâchés par leur maison de disque. Le disque sera finalement distribué sous forme de CD vierge. Sur Internet c’est le buzz et le single Crazy atteint le sommet de tous les charts du monde en 2005, l’année même où Lily Allen –elle aussi grâce à MySpace– signe chez Regal Records.
En France, l’expérience est plus minime. Entre Kamini le Dieu des motoculteurs, Yelle la fausse cagole au QI de trisomique et Grégoire le beauf déprimé poujadiste, on ne peut pas dire que la moisson vaut vraiment le détour. Par la même occasion, Grégoire devient la personnification d’un nouveau mode de diffusion : le financement des albums par le public. MyMajorCompany, qui a permit la production du premier album de Grégoire, oublie simplement de préciser que les financeurs de l’album de Grégoire étaient déjà en train de financer l’album avant qu’il n’arrive chez le label collaboratif. Un joli coup de pub cependant.
Voila qui résume bien les nouveaux artistes qui sortent du web 2.0 : de jolis coups de pub. Certains de la rentabilité prouvée à travers les nombreux artistes mono-album (voire mono-singles), les labels n’hésitent plus à financer à court terme des carrières musicales de quelques mois. Le temps d’un buzz comme on dit sur la toile « initiée ».
C’est sur ce constat que nous avons décidé de donner la parole à 20 artistes non signés, présents sur le web, pour certains ayant même des communautés avec eux, autour d’un concept simple :
Paris : 2 jours, 20 artistes, 20 arrondissements.
Découvrez à partir de ce soir à 00H01 et ce pendant 20 jours, un nouvel artiste dans un arrondissement parisien. Peut-être le connaissez vous, peut-être sera-t-il connu, peut-être sera-t-il signé. Ou peut-être rien de tout ça… Mais voila. Dans ces 20 arrondissements, ces 20 artistes qui avaient quelque chose à dire l’ont dit. Et P20RIS fut.
Catégorie : A la une
Artiste(s) : Arctic Monkeys, Danger Mouse, Enrico Caruso, Gnarls Barkley, Grégoire, Justin Bieber, Kamini, Lily Allen, The Beatles, Yelle
Evenement(s) : P20RIS
RT @le_transistor: [P20RIS] “Artistes 2.0”, introduction au projet P20RIS par @benjaminlemaire – http://www.letransistor.com/822-alaune-p…
[…] here to read the rest: Artistes 2.0 | Le Transistor Share this […]
[…] This post was mentioned on Twitter by Benjamin Lemaire, Le Transistor. Le Transistor said: [P20RIS] "Artistes 2.0", introduction au projet P20RIS par @benjaminlemaire – http://bit.ly/agMHO3 […]
Et toi t'en penses quoi ?
A lire aussi
Gallery