Ah la saison des récompenses… Alors que les pauvres retrouvent paisiblement des programmes télé sans les rediffusions yuletidiques, les nantis, eux, se réunissent dans de grandes salles de spectacles pour se remettre en toute consanguinité des récompenses qui éclaireront les grandes cheminées de leurs maisons de campagne. Après quelques heures assis sur des confortables fauteuils à regarder les interminables décolletés des putafranges spécialement habillées par les maids de Lagerfeld et à admirer éphèbes et lolitas -il en faut pour toutes les tendances- à moitié nus remettre des statuettes plaqué-bronzes à des industriels de la culture endimanchés pour l’occasion à l’aide d’une veste noir et d’une chemise assortie à leurs nez, (respirez ici) les bien lotis du monde de la musique -comprenez ceux qui sont utiles, qui vendent- se réuniront entre eux, en dehors des caméras, afin de fêter dignement l’augmentation subite des cachets de leurs étalons.

Ainsi, chaque année, devant les caméras des chaînes télévisées les plus regardées du monde, on se remet du MTV Award, on s’offre du Silver Clef, on se pogne avec son Grammy, on se *** avec son NME Awards ou on s’onanise avec son petit Kids’ Choice Award. Malgré l’immense haine que j’ai pour ces échanges agnats, majoritairement due au fait que je n’y suis jamais invité, j’éprouve toujours autant de plaisir à regarder les performances, les blagues et les happenings des uns et des autres. Je me gausse toujours en voyant Sacha Baron Cohen poser son cul sur la face d’Eminem ou Kanye West en train de ridiculiser la pourtant déjà so ridicule Taylor Swift. Parce que quand c’est drôle, moi, je ris.

Mais voila, en France, point de joli gramophone ou de doigt d’honneur en or. En guise de Staple Center ou de Carling Academy Brixton on se contente du Palais des Festivals de Cannes. Et point d’Adam Sandler ou d’Eva Longoria. Non, ça sera Nikos Aliagas et sa bande d’acolytes sortis de tous les jeux télévisés de TF1, de Secret Story à Star Academy. Il ne manquait que Lagaff dont les meilleures vannes qu’il recycle dans les mariages qu’il anime le week-end n’auraient même pas faire rire Amel Bent et son décolleté qui finissait approximativement à la même hauteur que le string de Shakira. Et les shows sont à la hauteur de cérémonie : entre les ampex et les playbacks, on se demande encore qui peut croire une seule seconde à ce show qui se veut “à l’américaine” alors que même Justin Bieber, pourtant assuré de sa victoire, n’a pas daigné se déplacer pour recevoir une bise d’on ne sait quel oublié de la Ferme Célébrités.

Outre leurs résultats déprimants -qui ne sacreront ni la qualité, ni la quantité si l’on exclue le NMA de Jonas Åkerlund-, les NRJ Music Awards font un constat étonnant quant à la situation de l’industrie du disque, alors que pendant une semaine, les acteurs de la musique vont se plaindre à Cannes de leurs ventes en chute libre tout en buvant du champagne tous les soirs au Martinez. A travers cette image déformée par TF1 et NRJ, c’est plus de 6 millions de personnes qui ont constaté sur la Une que l’industrie musicale se moquait d’elles, un peu plus. Ils ont pu constater que les lettres qu’ils ont reçu de l’Hadopi ne sont pas vaines et que, grâce à eux, la musique (la vraie) peut continuer à vivre avec des projecteurs, des paillettes, de la coke et des putes. Ah oui, ça, ils ont compris les 6 millions de téléspectateurs. Ce n’est pas de si tôt qu’on les reverra envoyer des SMS surtaxés pour voter ! Cette fois c’est décidé, ils vont faire la grève du vote ! Enfin, un peu plus tard, parce que là c’est les Victoires de la Musique qui approche…

Catégorie : Editoriaux
Artiste(s) : Amel Bent, Eminem, Jonas Åkerlund, Justin Bieber, Kanye West, Lady Gaga, Shakira, Taylor Swift
Salle(s) : Palais des Festivals
Evenement(s) : Grammy Awards, Kids' Choice Awards, Midem, MTV Music Awards, NRJ Music Awards, Silver Clef Award
Production(s) : NRJ, TF1
Ville(s) : Cannes