Entretien avec King Tuff

A la Route du Rock, King Tuff était de retour avec son quatrième album, The Other. Suite à son passage dans Emotional Mugger, auprès de Ty Segall, il semble que Kyle Thomas ait été contaminé, car ce nouvel album est très personnel. Dans les coulisses du festival, posés sur des transats, un verre à la main, Le Transistor a discuté avec l’artiste de la vie, la mort et toutes ces sortes de choses, tentant parfois d’éviter les balles de ping pong perdues !

King Tuff

King Tuff est donc confortablement installé, quand ses musiciennes passent, et le saluent, amusées de sa position. “Elles se moquent de nous ! Rha, c’est vraiment les meilleures ! Au sens humain comme dans le business !”

Clairement, King Tuff et son groupe s’éclatent sur scène. “C’est tellement fun ! J’adore voir un groupe qui passe un bon moment, qui sourit quoi ! Il y a trop de groupes en ce moment qui essaient d’être tellement cools. On se retrouve comme devant un un mur. Perso, je pourrais pas jouer ce rôle-là.” Pourtant, Kyle Thomas joue un rôle sur scène. “Certes, je me sape, mais c’est parce que c’est du sérieux ! Il faut se faire beau quand même pour la scène ! Moi je me vois plus comme quelqu’un qui aime bien mettre des fringues un peu funky.”

Ce nouvel album The Other, Kyle Thomas a choisi de le produire entièrement seul.“J’ai tout enregistré seul, et j’ai géré la production seul chez moi. Et puis Shawn Everett l’a mixé. C’est un génie sauvage ! Il a collaboré sur plusieurs album populaires, Alabama Shakes, War on Drugs… pas mal de truc. C’est un mec un peu bizarre et c’est pour ça que je l’aime bien. Je m’y retrouve dans cette énergie de tordus.” Pour rajouter à l’aspect introspectif, l’artiste a voulu assumer seul tous les instruments. “J’avais vraiment besoin de revenir à pourquoi je suis tombé amoureux de l’enregistrement. Parce qu’à mes débuts, je faisais tout moi-même, et ça me plaisait. Ca me faisait l’effet d’un tableau, où je me retrouvais à mixer toutes les couleurs. Et là, il me fallait revenir à cette sensation, pour pouvoir avoir le sentiment de penser vraiment ce que j’écrivais.”

Faire un album plus personnel c’est aussi se dévoiler chaque soir sur scène. “Certaines chansons, comme ‘Thru The Cracks’ par exemple, qui parle de perdre un ami, est difficile à chanter, mais ça me fait du bien en fait. Car j’ai l’impression de lui chanter cette chanson directement. Quand les paroles sont un peu n’importe quoi, on se lasse. C’est pour ça que j’ai voulu écrire des chansons plus personnelles, pour me sentir mieux quand je les chante, et surtout pouvoir les chanter plus longtemps.” Il semble que Kyle Thomas se soit un peu perdu, ce qui lui a permis de s’ouvrir pour écrire cet album. “Il y a toujours plusieurs étapes dans les changements. La vie c’est une suite de hauts et de bas, c’est des vagues. Il faut suivre le mouvement, et accepter ! Déjà, vieillir, ça ne me fait plus peur. Mais c’est important de ressentir de la douleur, pour pouvoir ressentir de la joie. L’un ne peut exister sans l’autre.”

King Tuff revient sur son dernier album, Black Moon Spell, réalisé avec Bobby Harlow. “Ce mec est très bon, mais il avait beaucoup de contrôle. C’était cool, mais à la fin je n’avais pas vraiment l’impression d’avoir réalisé quoi que ce soit moi-même. Ce n’était pas moi à 100%. .Je voulais retrouver la sensation que mon art m’appartenait. Et instantanément, quand j’ai commencé à m’y remettre, je me suis senti tellement mieux, et heureux ! J’ai pu enfin retourner dans mon monde.” Sur ce dernier album, Kyle Thomas n’était pas très inspiré. “Je l’ai fait immédiatement après plusieurs années de tournée. C’était idiot ! Je n’avais écrit aucune chanson, et on est allés en studio en groupe pour écrire ensemble. Je suis content de l’avoir fait de cette manière, pour connaître ce sentiment. Et je pense pas qu’il soit mauvais, il y a de bonnes chansons, mais je ne me sentais pas submergé par l’inspiration non plus, simplement parce que j’étais crevé.”

Ce Black Moon Spell était très rock, comme en réponse à ce qu’attendait son public. “Je pensais que c’était le chemin qu’avait pris ma musique, donc je l’ai suivi. Mais à la fin de la tournée, j’ai réalisé que je m’ennuyais ! C’était fun sur le moment, mais au final c’était chiant. Perso, je suis tout le temps en train de faire des découvertes musicales, dans des styles différents, et nouveaux surtout ! Sur cet album c’est un peu plus soul, mais récemment j’ai écouté beaucoup de trucs expérimentaux, presque électroniques, new age. Et du jazz. Bref, plus instrumental.” Alors qu’en fait Kyle Thomas recherchait ses premières influences musicales. “J’essayais de faire revivre l’esprit du tout premier album de King Tuff, de retrouver ce style, de m’inspirer de ce que j’avais fait avant. Ce qui pour moi n’est pas très logique ! Je veux faire la musique qui est représentative de qui je suis maintenant. Alors que là j’essayais de refaire, de me raccrocher à la musique que je faisais quand j’étais ado.”

Au final King Tuff ne répond pas à un genre de musique en particulier. “J’aime pas quand un groupe que j’aime refait tout le temps la même chose. Quand ils sortent un nouvel album, j’ai envie qu’ils me surprennent, que ce soit excitant. Maintenant, il y a des groupes qui ont un son. C’est leur son ! Et ils peuvent faire ça ad lib, çe sera toujours bon. AC/DC, The Ramones et confrères, j’adore. Mais je n’ai jamais été de cette catégorie. Je pense que je n’ai jamais eu de singularité, une chose distinctive personnelle.” Kyle Thomas a réellement cette envie d’essayer tous les styles qui l’intéressent. “En fait, j’ai toujours eu besoin d‘avoir des groupes différents, pour explorer des sons différents. Mais comme ça fait cinq ans que je suis plongé dans King Tuff, je me permets les directions différentes au sein du même projet. Et puis je sais que ce serait impossible de faire plaisir à tout le monde. La seule personne que je sois sûr de satisfaire c’est moi-même.”

Pour King Tuff, la musique est une échappatoire de la réalité, mais ses paroles parlent d’actualité, d’environnement. “Je m’en sers encore pour m’échapper. Et il y a toujours des éléments de rêve dans mes chansons. Mais en même temps j’avais envie de parler de ma vraie vie, des choses qui m’occupent l’esprit. Donc je ne vais plus ignorer ces éléments, comme j’avais tendance à le faire avant. C’est des sujets trop intenses pour que je les évite, donc autant les explorer. Etre honnête et sincère, je pense que ça parle aux gens.” S’il est plus sérieux sur les thèmes, The Other est tout de même plus accessible. “C’est sûr qu’au niveau des paroles c’est plus clair, je me cache moins. Et oui, l’album est plus personnel aussi, c’est certain. Et tout ça contribue au fait que ce soit plus facile chaque soir, car je me retrouve dans les paroles. Donc je m’y retrouve quand je les chante. Du coup je m’ennuie pas à les chanter. Parce que c’est réel. Ca me paraît plus vrai en tout cas.”

Réclame

The Other, le quatrième album de King Tuff, est paru chez PIAS.
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Remerciements : Max Lecerf [snif]

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Une réaction »

  • La Route du Rock 2018 - Phoenix, Charlotte Gainsbourg, The Lemon Twigs... | Le Transistor :

    […] A son invitation, les musiciennes se lâchent et derrière les gros breaks de batterie et les guitares rugissantes, il est étonnant que le synthé parvienne à se faire entendre. En tous cas, ils ont l’air de prendre leur pied sur scène, et ça fait plaisir à voir. On se laisse prendre par les lalala de ‘Psycho Star’, qui arrive à point après la plus douloureuse ‘Thru The Cracks’. Et pour le final, King Tuff reprend ses standards avec l’énergique ‘Black Moon Spell’ et un ‘Ultraviolet’ aux accents métal. Voir les prochains concerts de King Tuff Lire l’interview de King Tuff […]

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