Entretien avec Cymbals
Après plusieurs années de silence, les Britanniques de Cymbals sont de retour avec un troisième album, Light In Your Mind. Depuis 2011, la formation a beaucoup changé, mais finalement ce nouvel album a été écrit à deux, entre Dan Simons et Jack Cleverly. Au final les compositions sont toujours aussi entraînantes, mais avec plus de subtilité, pour un résultat encore plus séduisant. Rencontre avec Jack Cleverly, qui nous raconte la crise qui l’a amené à composer ce nouvel album plus posé.
Cymbals
Jack Cleverly est revenu vivre à Paris, aussi nous le retrouvons sur une terrasse à deux pas des Buttes Chaumont. “Ecrire en français, c’est une question de confiance en soi. Difficile de se lancer, à cause de toute cette culture du texte. Parfois, je me sens comme un débutant, mais je le fais quand même.”
En effet, Jack Cleverly a vécu à Paris pendant 10 ans. “ Quand je suis arrivé, à 8 ans, je ne parlais pas français, c’était douloureux. Et c’est drôle, parce que j’ai l’impression que ça m’a pris 5 ans pour apprendre la langue, sauf que je comprenais pas les blagues. Finalement vers 18 ans j’y suis arrivé, mais c’est le moment où je suis rentré en Angleterre, où du coup, je comprenais de nouveau pas les blagues.” C’est sûrement pour cette raison que certaines paroles sont en français. “Je lis encore en français, par exemple Milan Kundera est mieux traduit en français d’après moi. Je suppose que quand j’écris des paroles en français c’est comme une connexion avec mon enfance. Certes, c’est un peu maladroit [en français dans le texte]. Et quelque part, c’est un peu bizarre que les chansons soient à moitié en français et en anglais, mais Etienne Daho l’a toujours fait.”
En matière des paroles, Cymbals cherche à décrire des ressentis plus que des expériences. “Je préfère écrire des choses simples et atmosphériques. C’est ce que qui marche pour moi. Si on a une vision claire en tête, alors c’est plus une chanson mais un essai. Je pense que ça doit venir de l’intérieur, même si on ne le comprend pas forcément. Ce que je vais tenter de décrire, c’est quelque chose que j’essaie d’attraper, qui se trouve à la limite de ma ligne de vision. C’est pour ça que j’ai recours aux sentiments pour l’exprimer.“
Après quelques années de silence, Cymbals s’est retrouvé à deux : Dan et Jack. “C’est assez drôle parce que quand on a commencé à faire de la musique, vers 2012, on était sur les premières ébauches* [en français dans le texte], on essayait surtout d’être cool. Je détestais les compositeurs honnêtes, je voulais chanter de manière agressive, comme Pavement. Mais pour cet album j’écoutais Roxy Music et Soft Cell, où le chant est très émotif. Et sur la dernière tournée, c’était un choc, parce que c’est beaucoup plus émotionnel.” Ainsi les deux fondateurs du groupe ont pu s’ouvrir sincèrement l’un à l’autre. “Pour moi il était question d’être plus à l’aise avec qui je suis, plus assuré, je n’essaie plus de me cacher. Les expériences traumatiques vous forcent à le faire : il me fallait être honnête avec Dan et tous les autres autour de moi. J’étais en crise (rire). Mais c’était une bonne chose ! Et notre musique en devient plus honnête. Mais peut-être un peu plus emo.”
Tous ces changements résultent d’une période particulièrement compliquée pour Jack. “En résumé, j’ai divorcé. Je prenais beaucoup d’alcool et de drogues. Et Je ne bois plus. Donc ma vie a pas mal changé et finalement, c’est beaucoup mieux maintenant (rires). Au début, quand on a sorti des démos, on avait une chanson tout au plus, et des bouts par-ci par-là. Et soudain, notre chanson était sur les ondes ! Il nous fallait écrire plus, aussi vite que possible, pour sortir d’autres chansons. Ensuite, il y avait toujours un truc en plus à faire.” Le compositeur essayait -de tout contrôler : avoir un boulot, tourner, être marié… “ C’est une illusion de penser que tu as une influence sur ce qui se passe. Pour moi, tous les concerts devaient être parfaits, donc si les gars avait cinq minutes de retard, j’étais hors de moi. Maintenant j’ai réalisé la sphère d’influence que je possède, et je suis plus détendu. Quand on est dans la planification, c’est facile de perdre de vue la partie artistique le réel tout simplement, le fait d’être dans le moment. Maintenant je le gère ces situations avec beaucoup de méditation. (rires)”
Pour cet album Light In Your Mind, Cymbals a voulu explorer le thème du déclin. ”Je vais tenter de l’expliquer parce que moi-même je le saisis pas intégralement… Pendant cette crise, j’ai commencé à réfléchir au processus du déclin dans la vie, que tout vieillit et meurt. Et dans des situations difficiles, comme un divorce par exemple, j’ai l’impression qu’une des manières d’être en bons termes avec la vie, c’est d’accepter que tout change, et que le déclin fait partie de la vie.” Jack Cleverly a appuyé sa réflexion sur The Enigma of Arrival de VS Naipaul. “Ce livre parle de la beauté dans le déclin. Comme ce concept allemand, Ruin lust, qui est l’amour des ruines, comme des vieux bâtiments qui sont en train de s’effondrer. Donc je me suis intéressé à cette idée de l’acceptance du déclin constant, de sa beauté inhérente. “
L’album Light in your Mind débute sur le titre ‘Decay’, avec un sample qui se retrouve sur le dernier morceau ‘Life Achievement Award’. “J’aimais beaucoup ce sample, que Dan m’avait envoyé, je l’écoutais partout. J’aime qu’un album démarre et se construise petit à petit, donc ça me paraissait une bonne idée de revenir sur ce rythme à la fin. En grandissant, j’écoutais beaucoup de musique avec des samples, comme Ninja Tune. La circularité n’est pas un accident… Dans un sens, j’étais dans une situation où je ne savais pas si je devais continuer. Donc avec cet effet, je voulais donner comme une idée d’un renouveau.”
Réclame
Light In Your Mind, le troisième album de Cymbals est paru chez Tough Love Records / Differ-Ant
Remerciements : Marion Seury
Catégorie : A la une, Entretiens
Artiste(s) : Cymbals
Production(s) : Differ-Ant
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