Entretien avec Maison Brume

Maison Brume, c’est un le projet de Florian Seraul, un Français exilé au Canada. Avec son premier EP La Vie Sabbatique, paru en 2013, il s’est retrouvé aux Francofolies de Montréal, et chez nous, sur France Musique grâce à Vincent Théval. Après mûre réflexion, l’expatrié a décidé de reprendre le fil pour proposer un concept autour des Saisons d’Etre, en deux parties : Carnet d’hiver et Croquis d’été. Le premier EP sort tout juste, il est temps de t’en parler !

Maison Brume

Pour un sujet sur les saisons, il est étonnant de ne voir que deux parties, mais il semble que Florian Seraul se soit bien adapté à son pays d’accueil. « Au Canada, on dit souvent que le printemps et l’automne ne durent qu’une semaine, les intersaisons n’existent pas. »

En fait, son projet n’a rien à voir avec des considérations climatologiques. « J’explore les saisons par ressenti psychologique, donc c’est plus un état d’être. Dans la partie hivernale, on retrouve le doute de soi, l’identité, la recherche de sagesse. Pour moi ces questions introspectives font partie de l’hiver. Et sur l’estival, je vais parler de choses plus légères : l’amour, les sensations, des thèmes qui se retrouvaient sur mon dernier EP. » Ses Saisons d’Etre correspondent à des pensées intérieures. « C’est quelque chose de personnel, dans notre tête, comme un arbre qui perd ses feuilles, il peut nous arriver de perdre espoir, ou notre peps : on ne se sent plus avec l’énergie qu’on voudrait. On doute de soi, on a un sentiment d’infériorité, ou de vulnérabilité. Mais en fait ça n’a pas de rapport avec le fait qu’il neige dehors ou autre. »

Par contre, l’environnement canadien semble l’inspirer. « Ca fait six ans que je suis au Canada. Je suis venu parce j’étais vraiment attiré par le style de vie : l’immensité de la nature ici est assez impressionnant. Et puis j’ai décidé de monter mon projet musical, et c’est vraiment avec La Vie Sabbatique que tout a démarré. J’avais des textes sur l’automne, parce que je suis assez sensible aux ambiances naturelles. » Florian Seraul a échafaudé tout un univers autour de la nature.« La nature c’est un style de vie qui pour moi va de paire avec la recherche de la sérénité. Le fait d’être hors du marché… Certes, c’est une vision un peu romancée – influencée par Henry Thoreau. Mais c’est comme une réalité parallèle, que je rêve d’atteindre. C’est une chimère plus qu’autre chose, je le sais, puisque une fois là-bas je suis pas sûr que ça se passe bien – ou que ça me plaise ! (rires) C’est pas forcément lié à un vécu, mais plus une envie. »

En 2013, Maison Brume sortait un premier EP, La Vie Sabbatique. « Ca faisait à peu près deux ans que j’étais au Canada. A l’époque, j’étais encore à gratouiller dans ma chambre : je produisais mais j’allais pas très loin. Et puis j’ai coréalisé cet EP avec un réalisateur, et ça a plutôt bien marché au Québec. C’est là que je me suis découvert un penchant pour la musique de films, car les gens me disaient que ma musique est très visuelle et qu’il fallait que je me penche dessus. Donc j’y suis mis, et c’est devenu mon travail. » Après avoir exploré ce nouveau monde de la musique de pub, Florian Seraul est revenu à Maison Brume. « J’ai réfléchi à un concept autour des Saisons d’être. La première partie, Carnet d’Hiver sort en janvier, et traite de comment on ressent l’hiver psychologiquement. Le deuxième EP, Croquis d’été, va être complètement l’inverse, à savoir sonder l’estival en nous… Mais tout est lié : la fin du premier EP est le début de l’autre. A la fin du morceau ‘L’éclaircie’, il y a un long moment où on entend que des oiseaux, pour annoncer la suite. Tout simplement. »

Au quotidien, Florian Seraul fait de la musique pour la pub et le cinéma. « Dans le domaine professionnel, je me permets de tester beaucoup de choses : j’ai pas la crainte du regard de l’autre, parce que je suis juste un filtre : j’observe ce qui est dans l’air du temps et je le refais à ma façon. Je me vois plus comme un graphiste. Il y a beaucoup de techniques de production dans Maison Brume qui sont inspirées de ce que je fais en pub. » Mais Maison Brume est réellement un projet autobiographique. « Quand je fais du Maison Brume, je laisse de côté les prérogatives liées à la musique de pub, pour faire quelque chose de personnel : je sors mes pinceaux et je me vois plus comme essayer de peindre quelque chose. Les deux pendants s’inspirent l’un de l’autre, c’est les intentions qui sont différentes. »

La séparation des deux manières de composer n’est pas toujours évidente. « Sur Carnet d’hiver, j’ai dû recommencer plusieurs fois certains morceaux parce que je retombais dans les sentiers battus de la pub. Or, pour moi, Maison Brume c’est pas un projet commercial : même si j’espère que ça va fonctionner, je ne vise pas la une des journaux. Bien sûr, j’utilise des techniques tendances – sans pousser la production à l’extrême j’aime bien qu’on ressente des scènes, dès les premières notes, je recherche à créer un effet visuel -, mais d’une manière art et essai. » Pour écrire Maison Brume, Florian Seraul se replonge dans le rôle de l’auteur-compositeur. « Pour moi composer, c’est collecter ce qui se passe dans mon inconscient et le sortir. Carnet d’hiver est venu d’une période de doute, qui est dans mon inconscient liée à l’hiver. Ensuite je me suis apaisé, et je me suis rendu compte que je voulais faire quelque chose d’estival avec ce ressenti. J’écoute mon inconscient, et j’utilise mes références musicales – ce que j’écoute depuis que je suis gamin donc surtout de la folk, de l’indie folk, et la scène nordique, comme Efterklang, Sufjan Stevens, ou encore Monogrenade

L’accouchement de ce nouveau concept n’a pas été sans heurt. « Tous les morceaux de la partie hivernale, je les avais écrits en 2014 déjà, mais j’ai passé beaucoup de temps à réfléchir aux arrangements. J’ai fait plein de tentatives, puis j’ai failli tout arrêter… Jusqu’à ce que l’obtention d’une bourse canadienne me permette de redémarrer le projet. Ca m’a remotivé parce que je m’en sentais plus capable, justement parce que ça faisait longtemps que je travaillais dessus. Ca m’a permis en fait de m’entourer et de finir le projet comme je voulais. » Après un gros travail de pré-production, Florian Seraul s’est retrouvé comme bloqué, et a décidé de s’entourer. « J’avais envie que des amis viennent un peu me défier. Comme Simon P. Castonguay qui a une sonorité très nordique, que je recherchais justement. Disons que quand je suis arrivé en studio, 70% du travail était fait, il ne manquait plus qu’à intégrer les nouvelles idées apportées. Notamment celles du batteur Andrew, qui est ingénieur son dans le cinéma, et qui a boosté les effets sonores que j’avais créés. Tous ces gens sont venus aider à pousser la réflexion. »

Réclame

Carnet d’hiver, première partie de Les Saisons d’Etre de Maison Brume, paraît le 20 janvier 2017 chez Another Record


Remerciements : Anaïs Berrebi

Catégorie : A la une, Entretiens
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