Entretien avec Unknown Mortal Orchestra
Unknown Mortal Orchestra n’arrête jamais. Après une tournée mondiale pour II, le groupe de Ruban Nielson a remis le couvert avec Multi-Love, au succès retentissant. Leur mélange de psyché, funk, soul, acid jazz et pop est assez étonnant pour attiser la curiosité au-delà des frontières de genres… et surtout la clé : faire danser sur l’amour. C’est justement cette curiosité que le compositeur cherche à retrouver pour plancher sur le prochain album. Lors de leur passage au Trabendo, Le Transistor a rencontré le Néo-Zélandais pour parler dépression, existentialisme… et de ses pistes pour la suite des aventures du groupe !
Unknown Mortal Orchestra
Depuis plusieurs années, Ruban Nielson souffre d’insomnies, mais il arrive à en rire ! « Je ne peux pas dormir, tout simplement. Je reste éveillé jusqu’à ce que je sois totalement crevé… Ce n’est pas si grave, mais arrivé à un certain âge, le manque de sommeil est mauvais pour ton métabolisme, donc tu prends du poids. Et merde ! Un problème de plus. »
Or les tournées ne sont pas le meilleur moyen de trouver le sommeil. « Le problème, c’est que même si on est crevé, monter sur scène, c’est un mélange de nervosité et d’excitation. On emmagasine tellement d’adrénaline même après un mauvais concert ! Donc quand on descend de scène, on a besoin se défouler, c’est impossible d’aller directement se coucher, parce que de toute manière le cœur bat trop fort ! » Malgré tout, Unknown Mortal Orchestra a passé le plus clair de ces trois dernières années sur les routes. « On est des acharnés, donc quand on nous propose une tournée, on accepte parce qu’on a envie de sortir. Ça nous amuse encore, on est fatigués, mais en même temps je tourne en rond à la maison, donc autant voyager. C’est fun : on voit des lieux différents, c’est comme une aventure. C’est marrant parce que c’est ce que je voulais être, quand j’étais ado, je suis devenu ce que je voulais, mais c’est plus dur que ce que j’avais imaginé. »
Ruban Nielson affirme que les tournées le rendent triste mais à Paris c’est différent. « C’est une ville tellement extraordinaire pour être déprimé, parce que même si on est triste, on pense à Van Gogh qui se coupe l’oreille et la donne à une prostituée. Nos dépressions prennent soudainement une tournure dramatique : ça devient quelque chose de beau, un peu comme du Sartre. Bizarrement, je crois que ça m’a remonté le moral la dernière fois : je suis allé seul dans un bar, et je me suis stupidement bourré la gueule, en écoutant les albums tristes de Miles Davis, donc c’est cool. » Et en général, ces voyages avec Unknown Mortal Orchestra lui permettent d’entrevoir le bonheur. « Ça ne m’intéresse pas tant que ça d’être heureux, je veux juste me sentir vivant. L’Amérique est obsédée par l’idée du Bonheur, mais je ne pense pas que ça existe, que ce soit réel. Je pense qu’on peut se sentir bien, pendant un moment, une journée, mais je ne veux pas me sentir comme ça tous les jours, constamment. J’aime me sentir un peu déprimé, c’est les moments où j’écris des chansons. »
Ruban Nielson admet s’être récemment replongé dans la littérature existentialiste. « C’est des livres que j’avais lus vers la fin de mon adolescence, sauf que maintenant je suis plus âgé. Plus jeune, j’admirais Sartre et Beauvoir, et je me disais que leur vie était cool, et maintenant, je vis la vie que je rêvais. Donc je reviens sur toutes ces choses, pour comprendre de quoi il s’agit en réalité. Pour pas les regarder par le prisme de mes fantasmes adolescents et me faire les dents sur la philosophie. » Ces petites révisions lui ont permis de faire le point sur ce qu’il recherchait. « Quand on est ado, tout ce qu’on ressent est assez génial, tout est facile, donc se pencher sur des thèmes lourds de philosophie paraît exotique et marrant. Une fois adulte, on se retrouve avec ces questions à gérer. C’est pour ça que j’en suis revenu du bonheur : je le comprends maintenant, je veux être submergé de sentiments, c’est ma vision du bonheur. Je veux être triste ou excité, mais pas confortable. »
Cet état d’esprit, Ruban Nielson le recherche pour pouvoir écrire. « J’ai besoin d’expérimenter pas mal de choses, pour avoir l’impression de trouver un sujet de chanson. J’ai besoin de vivre de nouvelles expériences. C’est pour ça qu’au début je voulais déménager à Hawaï mais j’ai réalisé que ça ferait une grosse pause : ça me prendrait minimum 6 mois pour et m’adapter à un nouvel environnement. Et puis mon frère est parti à Hawaï, et a commencé à bosser sur un album là-bas, ce qui veut dire qu’il l’a déjà fait. » Pour être sûr de la marche à suivre, le compositeur de Unknow Mortal Orchestra a même eu recours aux Tarots. « J’ai fait un tirage et le conseil a été très pragmatique : ça prend de l’énergie et de l’argent, donc je ferais mieux de suivre le mouvement en restant où je me trouve. Ce qui est assez logique, c’est un conseil que ma grand-mère aurait pu me donner. »
Maintenant qu’il sait qu’il reste à Portland, Ruban Nielson réfléchit au prochain album. « Une fois que j’aurais la pochette, je ferais l’album qui correspond. Pour Multi-Love j’ai commencé par le nom, et de là tout a découlé. Cette fois-ci je veux pousser ce concept, je veux remonter dans le sens inverse : normalement je choisis la pochette en dernier. Et là la pochette parfaite sera mon point de départ pour trouver le son de l’album. » Cette démarche lui permet de retrouver l’enthousiasme pour son groupe et sa musique. « Certaines personnes qui écoutent mon groupe sont peut-être excitées à l’idée de savoir comment va sonner le prochain album. Je veux être dans ce même état d’esprit ! Penser avec ce mystère et cette excitation. C’est pour ça que je veux le faire dans ce sens : si je commence par l’artwork, les idées seront plus solides. Pour l’instant, j’ai le nom, mais je veux le dire à personne… »
Ruban Nielson sait déjà quel artiste va travailler sur la pochette. « Cette fois, c’est pas moi qui vais faire l’artwork, je veux retravailler avec Neil Krug. J’ai toujours voulu plancher sur un projet plus ambitieux avec lui, car c’est une sorte de génie de la photo, et sa vision correspond bien à ma musique. Je veux le laisser interpréter un peu, mais je veux aussi lui donner des indices. J’ai comme des pistes, mais j’aimerais qu’il tente aussi, pour voir sa version. » Pour ce nouvel album, le compositeur aimerait s’ouvrir à des collaborations. « J’ai toujours tout fait tout seul, et je commence à me sentir seul dans mon sous-sol. Il est fort probable que, comme par le passé, je retourne à mon studio, parce que c’est tellement facile d’être tout seul dans mon coin, et de tout faire moi-même… Mais au moins je tente de collaborer. Si ça ne marche pas, ce n’est pas grave, mais j’ai quand même envie d’essayer. J’ai hâte. »
Le prochain album d’Unknown Mortal Orchestra n’en est encore qu’à l’esquisse. « Je n’ai pas vraiment besoin de m’y mettre tout de suite, donc je le laisse se construire petit à petit. C’est sûr que ma famille va avoir une influence, mais je ne pense pas que ce sera le sujet principal. J’ai dans l’idée que ce sera un album tropical, mais je pense qu’il sera plus punk d’une manière ou d’une autre. Ce sera comme le grand frère de Multi-Love. Je suis très curieux de l’entendre cet album ! Je pense qu’il sera hot, mais je ne suis pas sûr. C’est tellement vague ! (éclate de rire) »
Réclame
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Remerciements : Agnieszka [Secretky Canadian]
Catégorie : A la une, Entretiens
Artiste(s) : Unknown Mortal Orchestra
Salle(s) : Trabendo
[…] entonne de sa voix très aiguë ‘Dave’s Song’ tout en maniant ses baguettes avec aisance. Et on sent qu’il a joué avec Unknown Mortal Orchestra, car lui aussi a la manie de garder sa parka sur scène. Malgré son allure chétive, le batteur est […]
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