Entretien avec Troy Von Balthazar

Chaque Printemps de Bourges apporte son lot de créations. Cette année, pour fêter les quinze ans de la sortie de Figure 8, le festival a invité Jason Lytle, Ken Stringfellow et Troy Von Balthazar à reprendre le dernier album d’Elliott Smith (de son vivant). L’ancien chanteur de Chokebore habite à Berlin, c’est donc via Skype que Le Transistor a fait sa connaissance afin de glaner des informations sur le talentueux songwriter qui nous a quittés trop tôt.

A savoir que Troy Von Balthazar a enregistré son premier album solo dans le studio d’Elliott Smith. « Il faisait la collection de microphones vintage et de matériel de studio : la console était des Beatles, je crois qu’ils avaient enregistré ‘Strawberry Fields’ dessus. C’était une chance pour moi d’être chez quelqu’un pour qui le son est aussi important. Qui apporte un réel soin aux détails, avec une réelle sensibilité. »

Pour The Color Bars Experience, Troy Von Balthazar a choisi cinq morceaux de Figure 8. « Cétait pas évident, parce que la voix d’Elliott Smith était assez aiguë, il montait plus haut que ce que je peux chanter. Donc j’ai choisi celles que je pouvais arranger. Il avait une voix très douce alors que la mienne se brise, se déchire, tourne autour des notes quand il tombait toujours juste. » L’ancien chanteur de Chokebore semble appréhender un peu cette création avec orchestre : « Je suppose que s’ils m’ont choisi c’est parce qu’ils voulaient mon interprétation. Je vais faire de mon mieux mais on sait jamais avec un orchestre, ils risquent de me reprocher d’être faux ! J’ai peur qu’ils me jettent leur instrument au visage ! (rire) »

Quand il parle d’Elliott Smith, Troy Von Balthazar est visiblement ému. « Un des meilleurs enregistrements de musique que j’aie pu entendu, encore maintenant, c’était une de ses démo sur un vieux lecteur cassette. Il y avait probablement douze guitares acoustiques, comme un panorama, un orchestre ! Il me faisait écouter parce qu’il était pas sûr, mais pour moi c’était la chose la plus belle qu’il m’ait été donné d’entendre. Toutes ces guitares acoustiques créaient une sorte d’arc-en-ciel autour de ma tête ! » Cette démo a apparemment créé un déclic chez lui, qui l’aura poussé à se lancer en solo. « C’était un très chouette moment pour moi, et c’est aussi le moment où je me suis fait la réflexion que la musique acoustique pouvait être très intense aussi. Si c’est bien fait, elle peut prendre de l’ampleur. Et puis, j’ai été la première personne à aller dans son studio après son décès. Pour enregistrer mon album solo. J’étais seul dans le studio, je savais pas ce que je faisais, j’y ai passé des nuits entières… J’avais pas peur, mais c’était assez étrange. »

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A cette époque, Troy Von Balthazar composait pour Chokebore qui au premier abord ne semble pas jouer dans la même cour qu’Elliott Smith. « Déjà, tous les morceaux de Chokebore et Troy Von Balthazar que j’ai écrits, c’était sur cette guitare acoustique que j’ai depuis enfant. C’est pas la meilleure qualité, elle n’a même pas de marque. Mais si Chokebore et Elliott Smith sonnent très différents, il y a un lien. C’est pas le même style mais c’est comme des extensions de la même scène en quelque sorte.» Pour Troy Von Balthazar, la similarité se situe dans leur approche de la musique. « Aucun des deux n’a jamais recherché la gloire. On a tous les deux commencé la musique pour les mêmes raisons, et continué pour ce qui me semble les bonnes raisons. Donc quand je parlais avec lui, je me retrouvais totalement, il était comme moi, honnête et direct. Et en plus, il était à l’écoute. C’était un vrai musicien. Il n’essayait pas d’être cool, ou d’avoir plus de succès qu’un autre. »

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Et pourtant, le succès est arrivé avec la bande-son du film Good Will Hunting de Gus Van Sant. « Ce succès a été une bonne chose parce que ça lui a permis d’élargir ses possibilités, et surtout d’utiliser de bons instruments. D’acheter de superbe vieux microphones, qui sonnaient bien. Il était en pleine découverte, donc il avait cette chance de pouvoir enfin passer du temps en studio. Mais il avait les pieds sur terre, je pense qu’il aurait continué à faire de la musique quoi qu’il arrive. » Certains fans n’ont pas apprécié son changement de direction après Either/Or et critiquent justement ce Figure 8. « Souvent, les fans veulent te garder pour eux, et quand un artiste devient célèbre, c’est comme s’il se détournait, comme s’il ne leur appartenaient plus. Et l’avantage avec Troy Von Balthazar, c’est que je reste proche de vous ! (rires) Pour Elliott Smith, c’était un coup de chance que ce film marche, mais je pense qu’il méritait cette reconnaissance ! »

En ce moment, Troy Von Balthazar est en train de préparer son prochain album. « J’enregistre tous les jours, je fais ça chez moi, dans mon appartement à Berlin… Ce qui représente un défi pour le faire sonner. Ce sera un album très intimiste, et probablement mon dernier album. Mais c’est pas grave, l’important c’est que cet album soit réellement personnel. Je crois que je suis en train d’y arriver, mais lentement. Ca prend du temps de faire les choses bien. » Ce n’est pas la première fois que le songwriter envisage d’arrêter la musique. « Ce n’est pas que j’aime pas la musique, j’adore la musique ! J’y pense toute la journée, et la nuit, je regarde des vidéos de pédales de guitare. Tous les jours, je réfléchis à écrire une belle chanson, et j’évalue comment les autres s’y sont pris. Du matin au soir, j’essaie de rassembler le puzzle du morceau de la veille, de réaliser mon collage. Donc ça m’intéresse toujours, mais je n’arrive pas à envisager le futur après cet album, je n’arrive pas à me projeter. »

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Mais cette fois-ci, Troy Von Balthazar a d’autres projets, presque concrets ! « On va voir ce qui se passe, mais je pense que ce sera le dernier. Je pense partir dans la forêt et jouer pour les écureuils. J’ai d’ailleurs un endroit où je peux aller, dans une forêt remplie d’écureuils, au Canada. Le seul problème c’est les ours, j’ai peur des ours. Et il y a aussi des couguars, j’aime pas trop ça. Je crois que la musique attire les ours… Je veux pas être mangé par un fauve ! (rire) »

Réclame

Troy Von Balthazar sera le 29 avril au Printemps de Bourges pour le Color Bars Experience avec Jason Lytle de Grandaddy et Ken Stringfellow de Posies avec Black Yaya en première partie
Lire le live report de Grandaddy à Rock en Seine
Lire l’interview de Black Yaya


Remerciements : Delphine Caurette

Catégorie : A la une, Entretiens
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