Entretien avec Chassol

Soutenu en 2014 par le Fair, Adami Deezer de Talent, et la RedBull Music Academy, Christophe Chassol a pu mener à bien son nouveau voyage musical : Big Sun. Le compositeur revient en toute simplicité sur sa trilogie d’ultrascore, sa démarche et ses intentions, ses recherches et attentes par rapport au carnaval de Fort-de-France… quand il ne se ruait pas sur le piano pour appuyer son argumentaire mélodique !

Une fois les présentations faites, la chargée de projet de chez Tricatel file… pour revenir quelques minutes plus tard en raison d’un oubli. Chassol s’exclame : « Ah pas mal, tu t’es fait une petite chassolette ! Ca me rassure, je me sens moins seul ! »

Christophe Chassol a inventé le concept d’ultrascore : une harmonisation qui viendrait peut-être d’une habitude de son enfance. « Mon père nous faisait nommer les notes qu’on entendait. Pédagogiquement, c’est quelque chose d’essentiel à ma formation, c’est ce qui fait que j’ai pas trop à réfléchir pour mélodifier les conversations, pour trouver les notes à jouer. Ca m’est resté puisque dans Big Sun, il y a deux ou trois morceaux qui sont solfiés, ‘Domino Part III’ et ‘La Route de la Trace’, ré do ré do si sol fa mi ré. » Clairement, Chassol a grandi dans un foyer où la musique était prise au sérieux. « Mon père avait aussi cette méthode de travail où quand tu joues un passage et tu dois travailler la note d’enchaînement dix fois. Et si tu te plantes à la neuvième fois, il faut recommencer. Il nous a bien appris à bosser, c’est chouette. Il était assez carré comme gars – éclat de rire – pas comme moi ! »

Bien évidemment, Chassol a fait ses classes au conservatoire, il a même été chef d’orchestre… « Non, c’est pas vrai, j’ai fait de la direction d’orchestre, mais pour ma musique. Ah si ! J’ai dirigé une fois un orchestre à Sofia en Bulgarie, c’était une musique de film à la radio, ils étaient nombreux quand même. » Mais ça c’était avant que le compositeur ne sorte ses albums chez Tricatel. « Je trouve ça dur comme métier, c’est pour ça que je le fais pas d’ailleurs. Le chef doit donner les gestes en avance, parce qu’il y a un temps entre le moment où le mec fait le geste, et celui où ça va être exécuté. Ca veut dire qu’il peut pas être dans le temps, surtout avec un gros orchestre, qui se traîne. Sauf que moi j’aime bien danser ! »

Son premier voyage musical, c’était Nola Chérie, une commande sur recommandation. « Le plasticien Xavier Veilhan exposait au musée d’art contemporain de La Nouvelle Orléans. Et il leur a parlé des courtes vidéos que je faisais à l’époque : j’harmonisais des extraits de films surtout, et des conférences. Du coup ils m’ont appelé pour que j’expose mon travail. Et je me suis dit que c’était l’occasion de vraiment produire mes propres images donc je leur ai proposé de faire un film. » Ce qui l’a encouragé à poursuivre ces recherches personnelles et mélodiques. « Indiamore et Big Sun c’est des désirs internes, profonds. J’étais pas retourné en Martinique depuis 3 ou 4 ans, ça me manquait un peu. Je connais mais c’était particulier, parce que j’ai perdu mes parents il y a dix ans dans un crash d’avion, ils étaient de là-bas et donc la maison était un peu vide… C’était un peu chaud d’y retourner, il y a des moments un peu lourds. »

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Avant de partir pour Fort-de-France, Christophe Chassol a établi quelques jalons. « J’avais des désirs assez profonds d’harmoniser les oiseaux, et le créole aussi, pour voir un peu comment ça sonnait une fois mélodifié. Et puis je voulais surtout faire le carnaval que j’avais jamais vu. En fait j’y allais tous les deux ans quand j’étais enfant, avec mes parents, c’était les congés bonifiés. Ce sont des voyages qui sont payés par l’Etat pour les fonctionnaires originaires des Dom-Tom. » Ensuite, Chassol part avec une démarche documentaire en tête. « Je prends la place du journaliste, je suis le réal, j’ambiance les gens, je les sauce, et puis Marie-France [Barrier] les filme et Johann [Levasseur] prend le son. Elle joue le bad cop, parce qu’elle leur demande de refaire, et moi je suis le mec cool, qui dit de les laisser tranquille. J’ai pas envie d’être insistant, mais en vrai je sais qu’il faut qu’ils refassent, alors qu’elle, elle s’en fout, elle prend sur elle. »

Néanmoins, l’accent est plus sur la musique que sur les informations. « J’ai enlevé pas mal de sous-titres parce que justement je voulais qu’on reste guidé par la musique. J’essaie de faire en sorte que ce soit assez fluide. Pendant le carnaval, je fais de la musique sur l’esprit de la danse. » Le concept reste de synchroniser une musique sur les images glanées au fil du voyage. « A la fin, je lâche un peu la bride sur l’exactitude de la synchro, je me permets de faire un peu plus de cinéma. Parce qu’au cinéma il y a de la synchro serrée dans les scènes d’action, mais en général c’est quand même un calage poétique de musique sur image. »

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Son Big Sun peut être divisé en trois parties. « On a la partie nature avec les oiseaux, puis la partie culture avec le créole, les rappeurs, les parties de domino, et la troisième partie c’est le carnaval, la folk, la synthèse culturelle. Une fois le carnaval fini, je montre une autre partie du carnaval un peu plus tordue, avec par les masques de singe. » L’esthétique reste la première source d’inspiration. « Je suis fan de science-fiction, et surtout de La Planète des Singes- le premier, pas les remakes -, donc quand j’ai vu ces masques de singes au carnaval, c’était une évidence : on a braqué les caméras direct dessus. J’ai scoré vraiment à la Jerry Goldsmith exprès. Je les trouve déments, je les trouve hyper beaux. Avec une petite dédicace à Taubira, « la guenon » comme ils disent chez Civitas. »

Réclame

Big Sun, le quatrième album de Chassol, est paru chez Tricatel.
Chassol sera en concert le 4 avril au festival Chorus et le 11 mai à l’Européen.
Lire le compte rendu du concert de Chassol à la Gaîrté Lyrique


Remerciements : Celine [Tricatel]

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