Entretien avec Crystal Fighters
Comme on se trompe parfois sur les groupes… Après un premier Star of Love intéressant du point de vue du mélange des cultures, Crystal Fighters semblaient faire de l’œil aux charts avec leur deuxième album Cave Rave. Mais lorsque le Transistor rencontre Sebastian Pringle à Rock en Seine, on réalise que ce sont de véritables hippies, sans plan de carrière si ce n’est faire du woofing, ne cherchant à séduire que les fréquences mortes de la nature.
Une remarque de Sebastien en passant qui en dit long sur les Crystal Fighters : « Rien qu’en regardant nos photos, tout le monde pense que nous sommes des hippies ! Et plus j’y pense, plus je me dis que c’est probablement vrai. »
Tout commence quand Sebastian renvoie son sandwich parce que son caviar d’aubergine contient des anchois. « Je suis devenu végétalien à cause de l’état actuel de l’industrie animale : on met en esclavage tellement d’animaux, et tous les jours on mange aveuglément les restes d’animaux, sans même y penser. A la base, j’ai voulu le faire pour ma santé, mais aussi parce que je ne veux plus faire partie de cette industrie. Peut-être que je vais en remanger un jour – et c’est ce que je me suis dit au début -, mais je me sens tellement mieux depuis que j’ai arrêté ! » D’un point de vue pratique, être végétalien ne doit pas être évident en tournée. « Quelque part, il y a tellement peu de chose auxquelles penser quand on est sur les routes. En plus, ça donne l’occasion de tester tous ces nouveaux restaurants géniaux qui fleurissent, avec du fromage fait d’amandes et ces lasagnes de légumes… C’est une toute nouvelle cuisine, qui se base sur une alimentation très simple, probablement celle que nos ancêtres ont développé, à cueillir les fruits sur l’arbre pour les manger. »
Pourtant, le végétalisme ne fait pas l’unanimité dans le groupe, Sebastian est le seul à ne pas manger de viande. « J’essaie réellement d’encourager tous ceux du groupe à essayer, pour éviter de finir une fois de plus dans ces restau-grill dégueulasses. Bien sûr, en étant végétalien on perd quelques amis en chemin, ça fait partie de la vie. Et je pense qu’après un certain temps, ils sont moins mal à l’aise et certains commencent à suivre mon exemple. » Ce changement d’alimentation est encore récent pour Sebastian. « Quand on était en train d’enregistrer le dernier album, je mangeais de la viande, et pas qu’un peu. Donc je sais pas vraiment comment ça peut affecter mon processus d’écriture, ou le son de Crystal Fighters, ou si le prochain album sera spirituellement différent… Parce que je me sens bien plus connecté à la nature, les animaux, les arbres… »
Le chanteur est en ce moment en plein chantier du troisième album. « J’ai l’impression que mon approche touche à celle du peintre : il va développer un style au travers d’une série de tableaux, et quand il considère qu’il maitrise cet aspect, il passe à une autre série. Et s’il n’est pas satisfait de cette méthode, il modifie un élément : son outil ou parfois son studio, mais aussi dans le cas de Picasso, sa femme, pour trouver une autre muse. » Suivant l’exemple des peintres donc, Sebastian a déménagé à San Sebastian, sur la côte basque. « C’était pour changer de décor mais aussi pour la connexion basque : on y a passé pas mal de temps pour les deux derniers albums, mais cette fois-ci j’ai vraiment l’impression de connaître mieux la culture. C’est assez particulier, parce qu’ils ont ignoré leurs traditions et ne les mélangent pas à leur culture pop. Donc quand ils nous voient jouer du txalaparta sur scène, ils savent qu’ils apprécient cette démarche. »
Pour pouvoir composer à l’air frais, Sebastian est parti s’installer dans une ferme. « C’est ce qu’on appelle du work away : tu vas dans une ferme où ils ont besoin de mains, et tu travailles 5 à 6 heures par jour, et en échange tu reçois le couvert et le lit. J’ai visité quelques fermes en Espagne et au Portugal, et j’ai croisé pas mal de monde qui faisaient cette expérience, c’est pas mal pour tenter de vivre une autre vie. » L’idée pour lui est de sortir de la routine. « Il faut s’échapper de cette prison qu’est la ville ! J’aimerais offrir cette opportunité à des jeunes désavantagés, pour expérimenter la vie telle qu’elle était auparavant : apprendre le langage des arbres, à se nourrir de la nature directement, et se divertir en jouant de la musique, pour s’accorder aux fréquences mortes, les ramener à la vie grâce à nos efforts. Parce qu’ils risquent d’être gâchés si on n’y prête pas attention. »
Le leader de Crystal Fighters s’explique un peu sur ce concept de fréquences mortes. « Je pense que si on ne joue pas de musique, l’air reste silencieux. Seuls les oiseaux ramènent les fréquences à la vie en les exprimant. Et nous les humains, nous avons atteint ce stade avancé, où on peut guider les fréquences pour créer de belles mélodies, qui sont, à ce qu’on dit, très proches des mathématiques. » Et part sur un autre concept de musique mathématique. « Personnellement j’ai appris la guitare à l’oreille, et de nos jours, tu n’as pas besoin de connaitre les mathématiques pour jouer d’un instrument. Mais en écoutant les charts, on se dit que ça suit une équation, et ça parle au gens manifestement. Cela dit, c’est pas forcément une mauvaise chose que d’avoir une formule pour composer. Parce que quand on regarde la nature, et on se dit que c’est sauvage… mais il y a un ordre, une loi qui régit tout ce petit monde. »
Pour le moment, Crystal Fighters n’a semble-t-il pas encore trouvé sa formule. « Il est possible que sur le prochain album, on ignore 90% de ce qu’on a fait jusqu’à présent, et qu’on parte sur quelque chose de basique qui nous plaît vraiment. On ne veut pas trop en rajouter, pour laisser le rythme et les instruments parler… parce que si on superpose trop d’éléments, on ne voit plus la trame. » Sebastian veut avant tout rester simple dans ses compositions. « Comme le disait Miles Davis, ce qui compte c’est les notes que tu ne joues pas. Et c’est aussi vrai pour les paroles : il y a des choses que tu ne dis pas parfois. Je pourrais écrire plein de paroles sur le fait que je suis végétalien, ou un hippy, ou le quotidien dans une ferme mais je le ferais probablement pas. Parce que ce n’est pas ce que tu veux entendre quand t’es en boîte, ou même quand tu es seul : tu veux créer ton propre univers. »
Pour finir, Sebastian partage son avis sur la musique des charts et la drogue. « Je pense qu’il y a beaucoup de drogues dans ce qu’on entend à la radio ces temps-ci, toute cette house progressive. Et j’adore ce son ! Moi aussi j’ai envie de ressentir cette adrénaline en écoutant de la musique ! C’est le talent du musicien ou du producteur de nos jours : te faire basculer dans un autre monde et t’emmener pour un voyage fou à travers les ambiances différentes. La musique a le même effet que les drogues en fait ! »
Réclame
Cave Rave, le deuxième album de Crystal Fighters, est distribué en France par PIAS.
Lire le live report de Crystal Fighters à Rock en Seine
Remerciements : Marion (Ephélide)
Catégorie : A la une, Entretiens
Artiste(s) : Crystal Fighters
Evenement(s) : Rock en Seine
Production(s) : PIAS
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