Entretien avec The Afghan Whigs

On ne les attendait plus ! Seize ans après 1965, le groupe The Afghan Whigs revient sur le devant de la scène avec un septième album : Do To The Beast. Rencontre avec Greg Dulli, ce passionné qui a su se réinventer avec The Twilight Singers, en solo ou encore avec son ami Mark Lanegan au sein de The Gutter Twins. Voici l’épopée qui a commencé avec Usher et s’est finie, seulement huit mois plus tard, dans les studios de Josh Homme pendant sa tournée avec les Queens of the Stone Age.

The Afghan Whigs

Le nouvel album Do To The Beast réussit à apporter une touche très contemporaine au son de The Afghan Whigs. « Je n’ai pas envie de vivre dans le passé, ça ne m’intéresse pas : pourquoi refaire ce que j’ai déjà fait ? »

En 2014, il paraît assez audacieux de vouloir ressortir un album, mais Greg Dulli est confiant. « Comme j’ai continué à sortir des albums après la fin de The Afghan Whigs, pour moi c’était juste un nouvel album. Bien sûr, j’étais conscient de l’héritage que porte le nom du groupe, et que c’était notre premier album en seize ans. Mais le fait que je n’aie jamais arrêté de faire des albums a rendu la démarche plus simple. Une fois qu’on a pris la décision, ça s’est fait très rapidement : de l’écriture au mixage, il ne s’est passé que 8 mois, ce qui est très rapide pour moi ! » Le chanteur compare son expérience à celle de My Bloody Valentine. « Ca m’aurait rendu nerveux d’y passer autant de temps qu’eux ! C’est quand les gens commencent à trop réfléchir… et plus le temps passe, plus ça se complique. pour ma part, j’ai encore du mal à croire de la vitesse à laquelle ça s’est produit. Qu’il y a un an, cet album n’existait même pas encore dans mon esprit ! »

Greg Dulli explique être arrivé à la fin d’un cycle avec The Twilight Singers, c’est pour cette raison qu’il a pu revenir à ses premières amours. « Le bassiste allait devenir papa, sa femme lui disait de se calmer sur les tournées, alors que moi je n’avais aucune intention de m’arrêter. Et j’avais justement recommencé à jouer quelques années auparavant avec John Curley : il est venu m’aider pour un concert et a fini par faire six dates avec moi. C’est par la suite que les tourneurs nous ont sollicités pour des concerts de The Afghan Whigs. Tout s’est mis en place presque tout seul en fait.» Pourtant ce n’est pas la tournée de reformation qui les a décidés. « J’ai tenu des années sans céder aux propositions de concert. Quand je l’ai fait, c’est parce que j’en avais envie, et pas parce que je devais le faire, ou parce que j’avais désespérément besoin d’argent ou autre : j’avais deux groupes qui marchaient en parallèle, j’étais bien. »

Néanmoins cet évènement leur a permis de comprendre les raisons de leur séparation. « Il y avait des obstacles, qui avaient toujours été là, et l’un d’eux était lié à un des membres. On a dû s’en séparer… Une fois cette décision prise, le chemin s’est trouvé dégagé. On a fait ce concert sans Rick, et ça s’est tellement bien passé, qu’on a décidé de se lancer dans l’album sans lui. Je pense qu’on a toujours su qu’il représentait un obstacle mais c’était difficile… Parfois le changement est difficile, même quand on a 14 ans pour y réfléchir. Et quand on appuie sur la gâchette, ça reste assez intense… » Le réel élément déclencheur a été ce concert avec Usher au festival South By Southwest. « Je n’aurais jamais imaginé que Usher puisse accidentellement être la raison de nos retrouvailles pour un nouvel album. En proposant ce concert, et compte tenu de son expérience, ça nous a poussé à réaliser que nous étions capables de faire cet album. Quarante jours après ce concert, on était en studio… Rien n’arrive par hasard ! Et comme son guitariste joue sur l’album, la boucle est bouclée ! »

Sur ce nouvel album, Greg Dulli a invité beaucoup de personnes à participer : Mark McGuire, Johnny “Natural” Najera, Alain Johannes et Dave Catching des Queens of the Stone Age, Clay Tarver, Joseph Arthur« Une fois que j’avais une esquisse de chanson, je réfléchissais à quelle personne serait en mesure de m’aider à la réaliser. J’avais déjà fait les recherches en amont : je connaissais les forces de chacun, ce qu’il pouvait apporter à la chanson. J’ai avancé, étape par étape, avec à chaque fois une idée claire de la marche à suivre. Même quand quelque chose ne se déroulait pas comme prévu, je me repliais dans une réflexion de succès : si ça marche pas, on essaie quelque chose d’autre, jusqu’à ce qu’on arrive aux dix chansons et que ça devienne un album. »

Pour la première fois, Greg Dulli a cherché les textes après avoir composé la musique… « J’espère ne plus jamais avoir à le refaire dans ce sens-là : parce que la pente est ardue. Mais en fait, je pense que ça me paraissait difficile parce que je l’avais encore jamais fait. Je sentais bien que cet album allait me sortir de ma zone de confort. Il fallait que ça me force à écrire les paroles faire différemment quitte à me retrouver sans album ! » Cette angoisse de la page blanche est probablement liée à son état d’esprit : « Auparavant, quand j’écrivais, c’était par rapport à un évènement dans ma vie : la fin d’une relation, la perte de quelqu’un. Cette fois-ci, j’étais relativement heureux, donc j’ai dû me reposer sur mon imagination et ma mémoire pour écrire les paroles. Il faut être conscient des nombreuses expériences qu’on a connues, il faut s’en souvenir, se les remémorer… Je me suis parfois inspiré de choses arrivées à d’autres et je les ai combinées avec mes propres expériences. »

Cette perspective a même été bénéfique : « Ca donne le temps d’y réfléchir : parfois quand on est dans la situation, on n’arrive pas à comprendre. Et on se retrouve à se taper la tête contre les murs. Avec du recul, comme quand on regarde un de nos amis confronté à un évènement qui nous est déjà arrivé, on peut se rendre compte de l’effet que ça fait de l’extérieur. Ce qui permet enfin de l’écrire d’un point de vue interne. »

Réclame

Do To The Beast, le septième album de The Afghan Whigs, paraît le 14 avril chez Sub Pop / PIAS.
The Afghan Whigs entament leur tournée européenne à partir du 28 juin.


Remerciements : Jennifer (PIAS)

Catégorie : A la une, Entretiens
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