Entretien avec Public Service Broadcasting
Public Service Broadcasting, c’est tout un concept servi avec un humour britannique imparable. Alors qu’ils venaient présenter leur premier album Inform – Educate – Entertain au public Rennais des Rencontres Trans Musicales, Le Transistor est parti rencontrer J. Willgoose, Esq et Wrigglesworth. Leur projet mêlant du rock progressif avec images de documentaires des années 40, la conversation a naturellement tourné autour de DJ Shadow, Mogwai et la propagande…
Public Service Broadcasting
Comme entrée en matière, le duo nous explique leurs noms de scène bizarres. « C’est pas des surnoms : esquire c’est juste une autre manière de dire monsieur. Mais c’est pas snob : ça vient de Bill & Ted’s Excellent Adventure ! Bon, ça vaut pas le coup d’aller regarder, mais ce qui est drôle c’est que quand ils se présentent, ils disent ‘Je suis Ted Theodore Logan’ et l’autre répond ‘Bill S. Preston, Esq’. Ca nous a plu ! »
Le projet est parti d’une émission de radio qui annonçait que les archives nationales de la British Film Institute étaient désormais accessibles. « Quand j’ai entendu ça sur la BBC, je suis allé regarder les films institutionnels en ligne. J’étais sur différents projets en même temps, et je me suis dit que ça pouvait être amusant, donc je me suis lancé en m’inspirant de DJ Shadow. Mais c’est comme quand tu cuisines, tu suis pas une recette à la lettre non plus, tu essaies des trucs. Et heureusement, le projet a pas trop mal tourné. » En plus des extraits vidéo, Public Service Broadcasting utilise beaucoup de samples et loops de voix. « J’en suis encore à l’expérimentation vis-à-vis du chant. C’est pour ça que j’utilise des samples, parce que ça rend mieux que si je chantais. Ca me permet de faire écouter mes compositions à mes amis sans me sentir mal à l’idée d’entendre ma voix.
Wrigglesworth : Tu as des enregistrements de tes essais de chant ? Il va falloir que j’écoute ça !
J. Willgoose, Esq : En résumé, ce projet est en quelque sorte un accident. Un bon accident mais un accident tout de même. »
Depuis toujours J. Willgoose, Esq, utilise des extraits vidéo et des samples sur ses autres projets. « J’utilisais des bande-son de jeux vidéo ou des effets spéciaux sonores dans mes compos. Ca fait un petit bout de temps que je fais ça, la première fois c’était en 2002… Un bail! Mais même avant, quand j’étais adolescent, je pense que j’avais collé des citationspour sonner comme les Manic Street Preachers à leurs débuts.
Wrigglesworth : J’apprends tellement avec cette interview !
J. Willgoose, Esq : Une grande source d’inspiration a été Plan 9 from Outerspace par Ed Wood ! C’était un des pires réalisateurs au monde : Tim Burton a même fait un film avec Johnny Depp à propos de lui. Ses films sont si mauvais qu’ils en deviennent géniaux ! Et dans Plan 9, c’est flagrant. Il y avait tellement de moments extraordinaires dans ce film, que je les ai pratiquement tous repris. Je les ai découpés, pour les insérer dans des morceaux. »
Mais l’inspiration musicale ne vient pas des vidéos, au contraire. « Pour moi, la musique est l’élément principal. La raison pour laquelle j’ai utilisé ces vidéos, c’était pas parce que j’étais fan d’histoire ou féru de documentaires, non c’est parce que le son me plaisait, les voix m’ont attiré. Maintenant je suis assez calé en documentaires britanniques des années 40, mais je l’étais pas du tout quand on a démarré le projet, ce n’était absolument pas une passion. »
Quant au style musical, il est difficile à déterminer. Le duo en convient.
J. Willgoose, Esq : J’avoue…
Wrigglesworth : c’est compliqué, en effet.
J. Willgoose, Esq : Ca dépend : il y a des morceaux plus lourds que d’autres, certains sont electro et d’autres non. C’est étrange, un mélange étrange de nos différences influences.
En parlant d’influences, ‘Spitfire‘ rappelle un peu Mogwai.
J. Willgoose, Esq : J’adore Mogwai ! Je pense les avoir vus douze fois au moins. On a enregistré nos batteries dans leur studio, mais ils ne doivent pas être au courant… Je suis pas sûr que notre musique leur plaise. Je pense qu’on est trop décalés, absurdes, idiots… L’intention est très ironique en fait… En tous cas, je préfère pas savoir si jamais ils aiment pas notre musique ! »
Le sous-titre de leur projet annonce “teach the lessons of the past through the music of the future”. « Certains pensent qu’on est sérieux mais c’est une blague ! Bien entendu, les vidéos qu’on utilise signifient quelque chose pour nous : que ce soit au niveau du son, ou de l’émotion qu’elles transmettent ou simplement parce qu’on les trouve drôles. Mais c’est pas forcément leur message qu’on cherche à transmettre. A la base, j’avais pas en tête de faire un projet avec un message politique fort. » Pourtant, leur nom n’a pas été choisi au hasard… « Oui, je suppose qu’un groupe britannique qui choisit le nom de Public Service Broadcasting (équivalent de notre France Télévision) c’est une déclaration en effet. Parce qu’il y a bien entendu une guerre ouverte entre ceux qui sont en faveur du service public, et ceux qui préfèrent la politique de Murdoch. Bien sûr, quelque part c’est parce qu’on trouve le sujet intéressant… mais pour le coup, c’est juste parce que c’est drôle. »
Malgré l’image décalée qu’ils cherchent à montrer, certains sujets sont sérieux.
J. Willgoose, Esq : Quand ça touche à la guerre en effet, mais dasn ce cas, c’est un peu plus personnel. Le morceau ‘The War Room‘ est à propos d’un grand-oncle mort pendant la Première Guerre Mondiale. L’oncle de mon père. C’est sûr que les séquences vidéo ont été choisies avec un soin particulier, mais pas avec l’intention claire de porter un message politique, non plus. Dans le processus créatif, la vidéo est là pour soutenir la musique. »
Et en utilisant des vidéos de propagande, Public Service Broadcasting pousse à la réflexion. « J’ai pris la vidéo de propagande parce que j’avais écrit une musique qui avait plus de profondeur que les autres. Ce qui est intéressant c’est d’étudier comment marchait la propagande, voir comment elle a évolué, à quel point le message était évident à l’époque par rapport à maintenant. Quand on prend un message de l’époque et qu’on le remet dans le contexte actuel, ça ne veut plus dire la même chose. Certains gardent la même portée, et d’autres paraissent stupides. » L’EP The War Room est un très bon exemple. « En mai dernier, on a joué ‘London Can Take It’ à Londres, alors que deux terroristes venaient d’assassiner des soldats dans une rue de Londres. Le film de cette chanson souligne à quel point des choses terribles arrivent tous les jours à Londres, et que malheureusement ça sera toujours le cas. Mais que la ville a survécu à beaucoup de choses par le passé, donc est capable d’affronter les atrocités à venir. Et là effectivement, le message s’adaptait à la réalité de l’actualité. »
En regardant leurs vidéos, on réalise que l’intention de toute propagande n’était pas forcément négative. « C’est un peu l’avantage d’être du bon côté de la guerre pour le coup. La France s’en est pas trop mal sortie étant donné les circonstances. Mais le procédé est le même partout, tu prends une information et tu la tords, la manipules, pour servir ton intérêt – bon ou mauvias. Le message du film qu’on utilise dans ‘Spitfire’ est complètement faux, à tellement de niveaux ! » Public Service Broadcasting condamne les méthodes de propagande tout en le faisant eux-mêmes. « C’est pas faux : on reprend cette même vidéo pour en modifier le message. D’un coup, effectivement, c’est assez ironique ! »
Réclame
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Catégorie : A la une, Entretiens
Artiste(s) : Public Service Broadcasting
Evenement(s) : Trans Musicales de Rennes
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