Entretien avec Aufgang
En 2009 le label InFiné nous présentait un groupe tout à fait surprenant : deux pianos, une batterie pour un electro-rock baroque. Après quelques années pendant lesquelles les carrières de ces trois prodiges les ont rappelés à l’ordre, Aufgang resurgit avec Istiklaliya – à vos souhaits. Fasciné par leurs performances live, Le Transistor est parti à la rencontre de ce trio multiculturel au possible. Rendez-vous au Café Rouge, autour de quelques bières pour parler technique – mais pas trop.
Aufgang
C’est soir de match, les trois jeunes gens débattent des places vendues au marché noir. « Comme c’est interdit de vendre des places à la sauvette, ils vendent les places sous une écharpe : les places sont offertes mais l’écharpe est à 3 000€.
Francesco : Pour Aufgang, y a des gens qui payent 15€ ! Non je vous jure, au bas mot !
Rami : Oui, certains achètent la place à 15€ pour la revendre à 17 ! »
Francesco se charge méthodiquement de recadrer l’interview, c’est à Rami d’expliquer le titre. « Istiklaliya, c’est difficile à prononcer pour un Français, parce que c’est de l’arabe à la base. Ca veut dire indépendance. Parce qu’en fait, déjà dans notre musique, je pense qu’on est trois personnes très indépendantes et très libres, et ça reflète un peu notre parcours. On a jamais suivi une mode, on a jamais appartenu à quelque groupe, on est toujours restés nous-mêmes. On a toujours suivi notre instinct et nos convictions personnelles…
Aymeric : Et ça sonnait mieux en arabe.
Rami : Oui c’est beau à l’oreille
Francesco : Sauf que c’est imprononçable mais bon…
Aymeric : On trouvait que ça interpellait, le fait que ce soit pas un mot ordinaire. Et c’est bien d’avoir un titre en arabe, c’est rare.
Rami : Rien que visuellement, y a quelque chose d’assez fort.
Francesco : C’est un mot arabe mais écrit en phonétique occidentale. Donc c’est un truc qui n’existe pas en fait ! »
Leur premier single s’intitule ‘Kyrie’, nom tiré de la liturgie, qui permet de faire un lien avec leurs influences baroques. « Nous c’est le côté rétro qui nous fascine un peu. Parce qu’on a quand même une formation classique donc la musique baroque fait partie de notre bagage. Et donc le pré-baroque, la renaissance et le médiéval. Et dans le morceau ‘Kyrie’, c’est un aspect qui est très relevé : harmoniquement ça reste très cru. C’est un morceau qui chope un peu cette ambiance presque gothique, mais en même temps c’est assez rock. Donc pour moi c’est du rétro futurisme bizarre, je sais pas.
Rami : c’est du futur antérieur
Francesco : j’aurais fait Aufgang ? Ca c’est fait ! »
Afin de mieux rendre leur énergie scénique, Aufgang a changé ses méthodes d’enregistrement. « On a cherché à vraiment mettre en avant la spontanéité. Quand on est entré en studio, on avait quelques morceaux très établies, et quelques bribes. Et on n’a pas arrêté de jouer pour ensuite prendre ce qui nous semblait le mieux dans l’ensemble produit. Mais c’est pas que de l’impro, on a certains titres qui sont écris quasiment de A à Z. Donc y a un travail de composition : on s’est donné des sortes de limites, pas pour se mettre des barrières mais pour arriver à l’essentiel. Les limites ça a été d’enregistrer cet album sur bandes de 24 pistes qui font 60 minutes…
Rami : Complique pas trop avec le côté technique… Quand tu pars dans tes 32 pistes synchronisées avec Evolver, moi je suis largué !
Aymeric imperturbable : Ces brides servent la musique ! Du coup on s’est fixé des sortes de règles, alors qu’on a toujours cherché à justement échapper à nos formations classiques. Par exemple, quand tout le monde à la Julliard School faisait un programme pour les récitals, Francesco et Rami décidaient de faire de l’impro pendant une heure, alors que ça se faisait pas ! Et sur Istyklaliya, on décide parfois d’être en totale impro, mais c’est rassurant d’avoir une forme que tu connais, et de t’en libérer pour mieux y revenir. Comme en jazz : c’est écrit mais y a une part d’improvisation. »
Comme toutes les séquences sont enregistrées, il peut être difficile d’improviser sur scène.
Aymeric : Personnellement je tape très fort.
Francesco : On y arrive grâce à la technologie midi, Musical Instrument Digital Interface, ça a trente ans, et ça passe comme une lettre à la poste.
Rami : Moi je suis démerdé pour tout filer à Francesco.
Francesco : Ce qui explique aussi pourquoi je suis hyper sobre sur scène, je peux pas : je flippe ! J’ai tellement de trucs à gérer au niveau des synthés, parce que tous les synthés sont centralisés sur un contrôleur mais ils sont pas fixés. Et trois bières avant de jouer, c’est trop !
Rami : Là c’est mort, on en est à la septième bière.
Aymeric : Il nous manque des olives !
On peut parfois se demander si la musique d’Aufgang parle plus aux musiciens classiques.
Aymeric : Ca nous ferait un peu chier que ça passe pour de la musique élitiste. Parce que c’est pas le but ! On est libres dans l’écriture, c’est de la musique qui doit éveiller et libérer des gens. Enfin, on espère ! On fait de la musique pour proposer un langage différent, parce que les courants ça casse les couilles.
Francesco : Si notre musique parlait que aux gens formés en musique, ce serait un fracas. Parce que la musique, c’est pas un truc de conservatoire : c’est une expression humaine ! C’est pas du tout un truc pour élever à un statut.
Rami : On préfère de loin jouer dans un club, devant des gens qui connaissent rien à la musique que dans une salle dédiée à la musique classique.
Francesco : Le succès pour nous, c’est quand c’est le bordel dans le public, c’est ça qu’on recherche ! En même temps, on a aussi des mecs classiques qui viennent nous écouter et qui hallucinent parce que justement ils reconnaissent les clins d’œil… Mais on s’en fout si certains les comprennent pas : nous on les distribue et les gens font ce qu’ils veulent.
La musique d’Aufgang est difficile à anticiper, encore moins à imaginer. Tout comme leurs débats !
Aymeric : Perso, si la première écoute me fait peur, c’est un bon signe. Parce que si c’est trop facile, au bout de trois écoutes, c’est mort.
Francesco : Ma préférée c’est ‘Diego Maradona‘.
Aymeric : Moi c’est ‘Vertige‘.
Rami : Moi c’est le dernier.
Aymeric : ‘Rachel’s Run‘ ?
Rami : Sans aucun doute !
Francesco : C’est le plus composé.
Aymeric : Mais Diego aussi il est très composé.
Francesco : J’ai juste un doute sur le son du lied, on a une autre prise qui défonçait dix fois plus !
Rami : On va pas refaire l’album !
Aymeric : Le prochain album on le fait au Steve Albini de Chicago les mecs, j’insiste, c’est mortel !
Francesco : Attends, c’est quoi ton plan ?
Rami : Non, le prochain album on le fait aux Maldives !
Réclame
Istiklaliya, le deuxième album de Aufgang, est paru chez InFiné.
Aufgang sera en concert au Printemps de Bourges et au Rock Dans Tous Ses Etats.
Lire le live report du concert d’Aufgang aux Bars en Trans
Remerciements : Erwan Julé
Catégorie : A la une, Entretiens
Artiste(s) : Aufgang
Production(s) : InFiné
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