Entretien avec The Brian Jonestown Massacre

Aux Eurockéennes, Le Transistor a eu l’opportunité de rencontrer Anton Newcombe de The Brian Jonestown Massacre. Sa réputation le précédant, on a un peu flippé, faut bien l’admettre. On a même failli annuler. Mais après avoir dansé pendant les balances de Chinese Man, il nous a gentiment accordé dix minutes.

The Brian Jonestown Massacre

Un concept de destruction se ressent sur l’album, c’est en fait un clin d’œil à la fin du monde.« Je savais que 2012 arrivait, c’était dans un coin de ma tête. Je crois pas forcément que quelque chose va se passer, mais j’ai trouvé ça marrant de rebondir dessus. Même si au bout du compte on fait juste semblant.. On sait pas s’il va vraiment rien se passer, mais ça n’a aucune importance, si ? »

Entretien avec The Brian Jonestown Massacre

Entretien avec The Brian Jonestown Massacre

La pochette du nouvel album de The Brian Jonestown Massacre fait référence à la plaque de Pioneer. « C’était un programme spatial, ils ont envoyé la navette en dehors du système – c’était le premier objet hors du système solaire – pour observer les planètes avec un message : y’était du Beethoven, du Bach des exemples de phonétique, et des salutations en plusieurs langues terrestres. Le diagramme montre notre planète, notre position et tout ça. » A ce symbole, Anton Newcombe a voulu associer une théorie de Hegel. « Aufheben ça veut dire détruire pour pouvoir préserver. Quand on regarde le dernier siècle, ils ont été plus d’une fois obligés de démanteler, pour reconstruire après, afin de préserver leur culture. Détruire les bâtiments mais les mentalités aussi. L’arianisme par exemple : ils voulaient tout raser pour recommencer. »

Anton Newcombe a choisi un nom allemand pour baptiser son nouvel album : Aufheben. « Depuis 2007 j’habitais entre l’Islande et l’Allemagne. Et finalement j’ai déménagé à Berlin pour des raisons économiques. J’ai pas besoin de m’établir en tant qu’artiste, donc peu importe où je me trouve en fait. C’est pas comme les acteurs qui se doivent d’habiter à Los Angeles. Et c’est moins cher pour moi d’avoir mon studio dans ma maison. » Il s’est établi à Berlin notamment parce qu’il lui est impossible de vivre en Angleterre. « Les Britanniques sont devenus fous : ils lisent les SMS de tout le monde, chaque email, et vérifient chaque entrée dans le pays. Y’a des caméras partout, la police à tous les coins de rue. Pour les jeux olympiques, les missiles étaient prêts… des militaires qui portent la torche olympique c’est pas normal ! C’est du fascisme social ! »

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Entretemps, Anton Newcombe poursuit sa quête de garder la musique diabolique. « On enregistre et produit des groupes. On a sorti cinq albums cette année. J’essaie pas d’en sortir des milliers par an, j’essaie juste de continuer, d’avancer et d’aider ces groupes comme les Dead Skeletons. Bien entendu je peux pas écouter tous les soundcloud et bandcamp qu’on m’envoie, mais je trouve des trucs par moi-même aussi. » Avant de les produire, il cherche surtout à conseiller à ces groupes. « Le plus dur c’est de leur parler, de les convaincre de pas céder tous leurs droits à un label. Moi je peux vous dire, en vingt ans, j’ai vu tous mes collèges… peu importe s’ils font tout ce que les majors leur ont demandé de faire, ils se retrouvent hors du circuit, ils ont même plus le droit de jouer leur propre musique. » A qui pense-t-il quand il raconte cette histoire ? « Ils reviennent de vacances, avec des paroles écrites pendant la tournée et là ils réalisent qu’ils se sont fait jeter par le label, et qu’ils ont plus de boulot. Du coup, ils se retrouvent avec juste cette page de notes prises dans le tour bus, ils ont plus rien, et ils ont même plus de plaisir à composer, plus de courage pour tout recommencer. »

Tel un ponte de l’industrie, Anton Newcombe livre ses conclusions de vingt ans de carrière. « Les médias sont pires qu’avant. Et c’est partout pareil : la télé, les radios qui servent à rien, les magazines qui ne parlent de rien, la culture des célébrités, la culture jackass, MTV, les idiots portés aux nues, toutes ces choses-là. C’est pas innocent si y’a des adolescents qui se retrouvent aux urgences. » Pour lui, les sociétés ont des responsabilités à assumer. « On les emmerde. Aux Etats-Unis, la plupart des gens essaient juste de s’en sortir. Personne n’en parle, mais en fait, c’est ce qui se passe quand on ne s’en occupe pas : on leur donne du pouvoir et alimente leur égo. Mais y’a forcément des conséquences quand on n’adresse pas le problème : les gens ont renoncé à devenir le gouvernement et en souffrent. »

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Sur sa lancée, Anton Newcombre déverse ce qu’il a sur le coeur… « Si on regarde les news sur Fox, on croit que tout le monde en Espagne est fainéant. On pense que les gens n’ont pas envie d’aller au travail et veulent juste toucher les allocs, mais ce qui se passe en réalité c’est qu’ils ont déjà coupé tous les budgets dans le tertiaire… C’est pas comme si le peuple faisait les lois, c’est les organisations qui régissent tout.» Le voilà donc qui enchaîne sur la crise mondiale. « Peut-être que Goldman Sachs a changé les taux d’intérêt, et tout à coup c’est impossible de ré-équilibrer les emprunts. Mais les médias vont tourner ça en un cliché de fainéantise alors que les gens se battent pour garder leur dignité. Ils travaillent dur, pour maintenir un niveau d’éducation et de santé. »
La conclusion est plus que noire… « Il n’y a pas d’espoir, il est clair que les patrons gagnent mille fois plus qu’un ouvrier en moyenne, puis ils les virent parce qu’ils estiment qu’ils n’ont pas assez d’argent pour garder les employés. C’est trop cher de garder les usines ouvertes, il leur faut absolument délocaliser… C’est de la connerie, c’est de la pure connerie. » Mais la crise n’atteint pas la musique. « Je m’inquiète pas pour moi, je suis un artiste, j’aurais toujours matière. »

Réclame

Aufheben, le treizième album de The Brian Jonestown Massacre, est disponible chez Differ-Ant.
Lire le live report de The Brian Jonestown Massacre aux Eurocks 2012


Remerciements : Marion (Ephélide)

Catégorie : A la une, Entretiens
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4 réactions »

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    […] l’autre bout de la ville) où officieront encore des rockeurs psychés, mais un peu plus âgés : les Brian Jonestown Massacre (interview). On devrait sûrement finir sur la piste du Teatre Principal pour les DJ set électro de Jamie XX […]

  • This Is Not A Love Song - Jeudi - Le Transistor | Le Transistor :

    […] Arrivé dans la Graaande salle, un sourire monte aux lèvres. Ce soir, Anton Newcombe et ses compagnons de route ont l’air de bonne humeur. Sortant d’un immense bain de foule, très à l’aise toute l’après-midi sur le festival, les musiciens affiche l’air de vouloir s’amuser : les délires fusent même sur ‘Got my Eyes on You’. Dans toute cette légèreté psychédélique, le son se fait plus dense sur ‘Anemone’, puis le chant se fait presque suppliant sur ‘Who?’, avant de revenir à une allure de croisière atmosphérique sur ‘The Devil May Care (Mom and Dad Don’t)’. On commence à danser sur ‘Not If You Were The Last Dandy On Earth’, pour se faire ensuite bercer par ‘Days, Weeks and Moths’. Le tambourin de fameux Joel Gion s’active enfin sur le final, avec l’excellente ‘Stairway to the Best Party in the Universe’. Jamais révision de classique n’aura été aussi agréable. Lire l’interview d’Anton Newcombe aux Eurockéennes […]

  • The Limiñanas à la Maroquinerie - Le Transistor | Le Transistor :

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  • Courtney Barnett à la Gaîté Lyrique - Le Transistor | Le Transistor :

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