My Own Private Alaska
My Own Private Alaska est un groupe de screamo pas comme les autres : une référence à l’Idaho de Gus Van Sant ne se choisit pas à la légère. Le trio toulousain nous propose son tout premier album, Amen, produit par Ross Robinson. En assurant la première partie de Metallica à Nîmes, ils se font une place de roi sur la scène métal. Rencontre avec le chanteur, Matthieu Miegeville, lors du festival des Eurocks.
Comment MOPA en est arrivé à mêler classique et métal ?« Y’a le fond et la forme. Pour la forme, j’ai découvert que Tristan, technicien son pour mes différents groupes, était pianiste. Je le connaissais déjà depuis cinq ans, il le cachait à pas mal de ses proches. Plus tard on a trouvé Yohan et tous les trois, in s’est dit que ce serait sympa de faire un groupe de rock, métal, hard-core, grunge ou je ne sais quoi, mais sans les armes de ces musiques-là c’est-à-dire la basse et la guitare mais avec comme instrument prédominant le piano. Le cahier des charges était un petit peu fixé : fonder un groupe de rock où la ligne mélodique est uniquement faite par un piano.
On est restés à la formule trio, j’avais estimé que ça suffisait en soi, parce que le piano est un instrument avec un panel fréquentiel énorme, et du coup ça équilibre en donnant un côté minimaliste. Tout en laissant une marge de manœuvre énorme. Et très vite tu obtiens des arguments dans l’intention de chaque instrument.
Le fond, c’est parce qu’on a tous les trois de toutes façons ce côté rock en nous. On a des choses extrêmes ou noires ou violentes à faire sortir – comme je pense n’importe qui les a. Certains vont gérer leurs démons en faisant du sport, ou vont faire de la sophrologie, ou encore rien faire et tomber en dépression… Sans dire que ce soit un défouloir – ça fait un peu juvénile-, mais il y a aussi ce côté-là dans MOPA, quelque peu adolescent, parce que c’est à cette période que les utopies sont à leur maximum. C’est le moment où t’as le plus envie de changer le monde, parce que t’es complètement naif et illusionné. C’est cette magie que j’aime bien retrouver et ce côté premier degré, qui est assez assumé, qu’on retrouve dans certains textes de MOPA.
Donc sans parler d’exutoire, pour nous la musique est vitale. Ca nous donne une sorte d’équilibre pour pas tomber dans d’autres trucs. Sans dire qu’on est des maniaco-dépressifs en suspend – parce que quelque part on l’est tous-, ça nous sert dans la vie. Sur scène, on peut faire une musique qui quelque part peut être un petit peu lourde, au sens décibels – moi je vais crier, je vais hurler dans la gueule des gens, ça permet aussi hors scène de parler normalement, plus tranquillement. »
Matthieu a joué dans plusieurs groupes avant de fonder MOPA. A-t-il trouvé ce qu’il cherchait ? « Je pouvais trouver cet équilibre là ailleurs, le fait est que MOPA est le groupe qui me laisse la plus grande marge artistique. Comme y’a peu d’instruments en jeu, le champ des possibles est énorme. Aussi, on veut vivre la scène de manière naturelle, la part d’improvisation est assez grande, les morceaux seront jamais pareils d’un concert à un autre. Si sur l’album je crie un truc, et qu’un jour j’ai pas envie de le crier, je vais le parler, ou le chanter, ou le scander, ou alors même pas le dire ! Mais y’aura un sens à ça, quelque chose de naturel, parce que la vie n’est pas la même tous les jours, et la musique n’est pas une récitation et ni une partition.”
MOPA fait référence à l’univers de Tim Burton, est-ce uniquement au niveau de la bande son ou le visuel entre en compte ? « C’est surtout au niveau pianistique. Parce que Tristan est surtout influencé par tout ce qui est composition classique à la base – sauf que tous les compositeurs classiques qu’il écoute sont tous morts, et en tant que musique contemporaine, c’est plutôt les musiques de film qui l’intéressent. Notamment Danny Helfmann qui illustre les films de Burton. Les univers sont proches, il y a forcément ce côté sombre, un petit peu décalé, un peu étrange, qu’on retrouve je pense un petit peu dans l’univers MOPA. Au niveau visuel, Yohan est fan parce qu’il est aussi peintre.”
Amen a été produit par un grand nom du métal, Ross Robinson (Korn, Klaxons, Limp Bizkit…) et mixé par Ryan Boesh (Foo Fighters, Eels). « Ross nous a envoyé un message suite à un ajout sur Myspace. Le truc le plus con du monde qu’on faisait tout le temps y’a deux ans pour développer le groupe. On pensait que la page était tenue par une assistante, pas par lui. Mais en fait, il écoute tout : quitte à écouter trois secondes, parce qu’il sait ce qu’il va détester.
Il nous a envoyé : « Ce que vous faites est magnifique, dites moi comment je peux faire pour vous aider ». On y a pas cru tellement c’était inimaginable. On est fier de ce qu’on fait, mais c’est tellement improbable. Sauf qu’un mec de cette trempe là adorait ce qu’on faisait. Avec l’aide de Kertone Production, qui ont eu les couilles – notamment financièrement – de produire cet album, en juillet 2008 on était chez Ross, à Venice Beach, Los Angeles pour enregistrer Amen.
Par la suite, Ross Robinson bosse énormément avec Ryan Boesh. Quand on a vu son CV, on a trouvé ça vachement intéressant. Ross est très fort pour tout ce qui est métal – même s’il a fait The Cure quasi tout seul-, et Ryan a ce côté un peu plus indé. Et MOPA n’est pas un son métal hardcore, c’est un son très particulier, en fait, il se situe un peu à la confluence des deux.”
Petite touche personnelle, à la vue de ses tatouages aux poignets, la question brûle les lèvres. « C’est très perso, c’est pas lié à MOPA. C’est un tryptique : un x dans le dos, un x sur un poignet et un y sur un autre. C’est les deux côtés, l’homme et la femme. Les chromosomes, la femme en l’homme, l’homme en la femme. Assumer sa part de féminité ou assumer sa part de masculinité quand on est une femme. Moi j’ai évolué dans un milieu super viril, macho et je suis le gueuleur de service. Mais souvent les gens mettent pas un physique sur la voix, et ils sont surpris parce que je suis pas la masse à laquelle ils s’attendent. Pour beaucoup, je passais pour le gay friendly de service – moi ça me faisait marrer. Moi je m’en fous, les gens peuvent s’imaginer des choses – et je trouve ça rigolo. Je voulais assumer ce côté-là aussi.”
Remerciements : Mathpromo
Catégorie : Entretiens
Artiste(s) : My Own Private Alaska
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