Entretien avec Cigarettes After Sex

Au printemps est soudainement apparu un engouement pour Cigarettes After Sex, un groupe à la musique douce et voluptueuse, mais aussi insidieuse… Car sournoisement le single ‘Affection’ prend par mégarde, et nous voilà happés par le halo de fumée. Lors de leur passage au Pitchfork Music Festival, Le Transistor a rencontré le chanteur, Greg Gonzalez, et son bassiste Randy Miller. Le duo n’est pas très à l’aise avec le défilé de journalistes curieux, un peu mécaniques dans leurs réponses, mais l’accent texan à couper au couteau vient apporter une bonne dose de naturel.

Cigarettes After Sex

Leur très sensuel premier album, Cigarettes After Sex, pourrait bel et bien relancer la croissance ! “C’est génial. Une des choses qu’on a envie de provoquer c’est une révolution sexuelle. “

Cigarettes After Sex osent donc parler de révolution sexuelle sur le territoire français. “C’est vrai, vous avez Serge Gainsbourg ! C’est une influence extrêmement importante pour nous, avec cette sexualité beaucoup plus explicite qu’aux Etats-Unis. On est plus puritains dirons-nous… Mais on essaie de parler de sexe avec honnêteté. Je pense qu’il y a trop de peurs attachées au sexe, il faut libérer l’amour. Il faut triompher de ces peurs, les mettre de côté, il faudrait que ce soit quelque chose de positif.”

Ce premier album arrive plus de cinq ans après leur tentative en EP, I.
Greg : C’était assez difficile d’imaginer une suite, on savait pas trop comment re-capturer cette magie. On a essayé pas mal de choses – c’est pas comme si on s’était tourné les pouces, mais ça ne marchait pas. Entre temps, on est partis pour New-York. Des petites choses chronophages qui ont retardé la sortie de l’album. Puis une fois qu’avec cette formation, on a fait la chanson ‘Affection’, on a su qu’on pouvait s’attaquer à l’album.
Randy : On a réussi à mettre le doigt sur le sentiment primordial. Après quoi, c’était beaucoup plus simple de se lancer dans l’album.”
Pourtant l’EP n’a pas non plus déclenché une émeute à sa sortie en 2012.
Greg : Quand il est sorti tout le monde s’en fichait. C’était assez bizarre. Ca n’a décollé qu’en 2015.
Randy : Mais on a aucune idée de pourquoi.
Greg : On sait pas vraiment, non.
Randy : Quelqu’un – on ne sait pas qui – l’a mis en ligne. Donc on a discuté avec quelqu’un de chez YouTube, qui nous a dit que eux non plus n’en savait rien.
Greg : C’est vraiment arrivé de nulle part. On a donné quelque chose aux gens qu’ils attendaient au bon moment, ou quelque chose comme ça. Les gens voulaient ce type de musique à ce moment donné.”

Une fois lancés, Cigarettes After Sex a fini l’album en 3 jours à peine.
Greg : Je pense que tout se fait assez rapidement une fois qu’on a trouvé la bonne formule. Ce qui prend le plus de temps c’est les tentatives.
Randy : En général, on essaie de pas se mettre trop de pression. Le son qu’on a trouvé nous paraissait naturel, donc trois jours c’était suffisant pour enregistrer.
Greg : Ensuite, on a mixé un peu à la méthode du début des années 50 comme les albums de Elvis Presley : leur son consiste à se rassembler dans une pièce pour jouer, le tout en une prise. Par exemple ‘Affection’ ne nous a pris que 5 minutes. Et notre premier EP a été fini en quelques heures à peine. C’est un retour à la musique live, il faut que ce soit enregistré très rapidement.”

Leurs influences revendiquées sont Cocteau Twins et Julee Cruise… mais aussi Philip Glass !
Greg : Pour le côté minimaliste, oui. De tout ce qu’on a enregistré, on ne garde qu’un seul élément. Ce qui est exactement la démarche de Philip Glass. Ca crée une atmosphère très contemplative : face à la musique de Philip Glass, on voit le mouvement des pensées, on ressent les pensées qui nous traversent. Donc on a joué avec les pensées, comme dans la bande son de The Truman Show. Je crois que parmi ses oeuvres, c’est celle que je préfère.”
Au final, leur musique est elle-même cinématographique, avec des paroles qui décrivent des scènes.
Greg : Ce que je préfère en musique, c’est quand on écoute une chanson, et que l’esprit construit une image. Ca arrive de n’importe où, on écoute et des images aléatoire viennent en tête, et nous emmènent quelque part. Donc oui, je voulais faire de la musique puissante dans ce sens.
Randy : Après, on essaie pas de s’imprimer dans l’esprit de quelqu’un d’autre, l’idée c’est de les amener quelque part. C’est marrant parce que récemment, un ami nous a dit que quand il écoutait notre musique il pensait à la plage, et moi je pense au désert. Peu importe ce que tu projettes, l’important c’est de se projeter.
Greg : Je pense que les meilleures musiques pour moi n’indiquent pas une chose en particulier, ou une seule idée. C’est beaucoup plus abstrait, comme ça, chaque personne peut s’en faire une interprétation différente.”

http://www.youtube.com/watch?v=p3CtD1A9USg

Si les chansons sont nées de rupture, elles ne sont pas non plus tragiques.
Randy : La plupart des chansons sont nostalgiques de moments vécus, mais elles ne sont pas non plus à propos de coeur brisé, ou d’amours non réciproques. Greg écrit de manière très positive, très douce : ce n’est pas sur le mal qu’on a pu se faire. c’est à propos de nous maintenant.
Greg : Dans une rupture, le plus important c’est de s’en sortir, donc il s’agit de traverser cette période. Quand on vit ces moments-là, il faut savoir les dépasser rapidement. C’est ce que ces chansons essaient de dire : oui tu as le coeur brisé, mais il y a une issue.
Randy : Et en en retirant quelque chose de beau, il faut garder quelque chose de positif
Greg : C’est étrange d’avoir de très bons souvenirs qui deviennent tristes, parce que les années ont passé, et que c’est devenu un souvenir lointain. Cependant, ils n’ont pas été gâchés par la rupture, ils n’en deviennent pas mauvais pour autant. Quand on se sent mieux, on peut enfin profiter de ce qu’on a vécu.”

Pour certains, cet album Cigarettes After Sex permet de dépasser les angoisses liées au sommeil.
Greg : C’est génial, parce que j’ai beaucoup utilisé la musique pour m’endormir. Quand j’étais dans des périodes très intenses et difficiles, j’avais besoin de la musique presque comme un médicament. Je me suis créé une connexion spéciale avec la musique et si quelqu’un d’autre nous utilise dans le même sens, c’est parfait. La boucle est bouclée !
Randy : C’est un cercle vertueux.
Greg : Et bien entendu les albums que j’écoutais dans ces conditions, je peux aussi les écouter dans d’autres contextes, sans m’endormir ! Je les adore, ce sont pour certains mes albums préférés. Et dans ce cadre, la musique me permet de donner aux gens quelque chose en plus, pour créer réellement une différence dans leur vie, et ce, de manière totalement pratique !
Randy : Cette musique crée aussi un sentiment de sécurité.
Greg : Et le fait qu’elle ait une utilité, d’aider les gens à dormir, leur permettre de leur vider la tête, c’est le meilleur des sentiments pour moi !”

Réclame

Cigarettes After Sex, le premier album de Cigarettes After Sex est paru chez Partisan Records
Cigarettes After Sex sera en concert les 25 et 26 mai au Trianon, et à l’affiche de deux festivals déjà : La Magnifique Society et les Eurockéennes de Belfort
Lire le live report du concert de Cigarettes After Sex au Pitchfork Music Festival
Voir les dessins de Cigarettes After Sex par Kova au festival Cabourg Mon Amour


Remerciements : Jean et Pauline [La Cadence]

Catégorie : A la une, Entretiens
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