Entretien avec Andy Shauf

Dire que Andy Shauf est un magicien de la folk est assez facile, puisque c’est le morceau ‘The Magician’ qui ouvre son nouvel album The Party. Cela dit, ne vous fiez pas aux titres car ce jeune multi-instrumentiste ne fait pas vraiment de la musique pour danser. Intrigué par son passé de batteur dans un groupe chrétien, et envoûté par son concert à double clarinettes au Café de la Danse, le Transistor a décidé de rencontrer le Canadien à la Route du Rock.

Andy Shauf

Donc avant de faire de la musique folk douce et délicieuse, Andy Shauf était batteur. “C’était une autre période de ma vie, j’étais au lycée, j’avais très envie de démonter les fûts. C’est marrant de jouer de la musique très fort, mais j’ai un peu grandi. Et je me suis lassé de tout ce bruit.“

Andy Shauf a démarré la batterie très jeune, vers 5 ou 6 ans, puis a appris la guitare. “Ensuite la clarinette, j’ai dû commencer il y a 5 ou 6 ans environ. Un peu avant de faire The Bearer of Bad News. Ma mère m’en avait offert une pour Noël, parce que j’avais vu un groupe de folk qui l’utilisait pour les mélodies, original ! La texture m’a beaucoup plu et ça semblait facile à jouer. En effet, ça l’est, enfin c’est relativement simple, pour un cuivre. Il faut pincer la bouche, et presser des boutons. Donc ça va, c’est pas trop dur.” Ce multi-instrumentiste a joué de tous les instruments sur son nouvel album The Party. “Je voulais un son plus imposant. Presque théâtral. Mais j’ai fait une recherche surtout au niveau de la texture, d’où la clarinette. J’ai essayé de cumuler les couches de son, pour que ce soit plus intéressant, que juste la guitare ou le piano seul. Mais les cordes elles sont à part, elles ont une finesse… Elles sont intemporelles.”

En bon perfectionniste, Andy Shauf s’y est repris à plusieurs fois pour faire ce nouvel album. “J’efface beaucoup de choses… J’aime beaucoup faire une chanson d’une certaine manière même si je sais que ça fonctionne pas, juste pour trouver un détail à changer, même minime. Par exemple, pour ‘Martha Sways’, je crois que j’ai quatre versions différentes, et j’ai fini par garder la première. C’était pas mal d’explorer les autres versions possible de cette chanson, mais si je dois être honnête, c’était un peu une perte de temps !” (rires) Pour écrire ses paroles, Andy Shauf préfère la fiction. “J’essaie de décrire des choses, de manière un peu abstraite, mais ça reste assez littéral. Ensuite c’est pas que j’ai pas envie de parler de moi, c’est juste que ma vie n’est pas si intéressante. Si j’écris sur d’autres personnes, je peux projeter mes émotions, c’est pratique. J’ai essayé d’écrire des nouvelles mais c’est difficile d’avoir les restrictions, en terme de construction de phrases et de grammaire. Mais j’avoue que j’aime pas trop parler de moi.” (rire)

Sans aucune aide, l’artiste s’est donné les moyens de faire The Party comme il l’entendait. “J’ai commencé à travailler dessus avant de signer avec ANTI-, donc j’avais pas d’argent. Sauf que quand on enregistre dans une cave, comme je l’ai fait pour The Bearer of Bad News, c’est difficile de cacher les conditions précaires d’enregistrement. Or je voulais que cet album sonne mieux que le précédent. C’est pour ça qu’on est allés dans un vrai studio, surtout pour la qualité du matériel.” Et a appris de ses erreurs faites sur son album précédent. “A 17h, il fallait arrêter parce que ma famille rentrait. C’était pas idéal. Surtout parce que j’arrive pas vraiment à faire quoi que ce soit avant 15h. C’est peut-être pour ça que ça a pris autant de temps : ça me laissait que 2 heures par jour. Mais aussi quand on a pas de date limite, on peut bosser sans arrêt. Et c’est pas pour autant qu’on arrive au meilleur résultat. Des fois c’est mieux d’avoir une date butoir. Sans ça, on peut bricoler, chercher sans fin.”

D’après lui, aucun événement majeur n’a motivé son virage musical. “Il ne s’est rien passé de spécial. A l’époque où je tapais très fort sur une batterie, j’étais aussi en train d’écrire ces chansons à côté. Et finalement, j’ai commencé à préférer le songwriting et la musique plus douce. Je trouve que quand la musique est forte, souvent c’est basé sur les accords de guitares, sans trop de mélodie.” Peut-être à cause de son passé punk, Andy Shauf est comparé à Elliott Smith. “J’ai peut-être un peu copié son travail sur mes premières compos… J’ai découvert sa musique juste au moment où j’ai commencé à écrire. A cette période, il y avait beaucoup de chansons emo, à la guitare acoustique, comme Dashboard Confessional. Avec Elliott Smith, j’ai réalisé qu’on pouvait faire beaucoup plus que ces accords merdiques, et ces paroles tristes sans intérêt. On peut faire quelque chose de plus joli, de beau. Et son travail m’a inspiré pour éviter de tomber dans la facilité.”

Finalement, Andy Shauf s’est un peu déridé, et accepte de parler de son groupe chrétien. “C’était bizarre. On jouait dans des églises, et pour des colonies d’été chrétiennes. J’étais vraiment impliqué dans ce monde. Et ce, depuis tout petit, donc à l’époque ça me paraissait naturel. Mais après un temps, je me suis senti… A la sortie du lycée, j’ai commencé à réfléchir d’une autre manière. Quand c’est toute ta vie, c’est difficile d’en sortir. Donc tu continues, parce que tout le monde qui t’entoure le fait.” Le plus compliqué pour lui a été de rompre avec ce monde qui ne lui correspondait plus. “Je me suis lié d’amitié avec des gens qui justement étaient en train d’en sortir, et ils m’ont fait voir les choses différemment. A réfléchir avec mon cerveau en fait, et pas avec la vision de mon éducation chrétienne. Pour remettre certaines choses en question. J’en suis sorti, et c’est une bonne chose. Parce qu’ils ont une réponse pour tout, pour parer à nos doutes. Alors qu’avoir des doutes, et chercher soi-même les réponses, c’est ce qui m’a permis de m’ouvrir.”

Andy Shauf ne garde aucune animosité envers la communauté chrétienne. “Je n’ai rien contre cette manière bizarre de vivre, mais je pense que c’est un peu étriqué. Et on finit par se faire du mal. Parce qu’on rejette les expériences des autres, et c’est une drôle de façon de regarder le monde. Tu ne peux pas imposer ton vision des choses à tout le monde. Donc oui, le punk chrétien c’était bizarre. C’est agréable d’en être sorti.” (rires)

Réclame

The Party, le troisième album de Andy Shauf, est paru chez ANTI- Records.
Andy Shauf sera en concert au Pitchfork Music Festival Paris
Lire le live report d’Andy Shauf au Café de la Danse
Lire le live report d’Andy Shauf à la Route du Rock


Remerciements : Maxime Lecerf

Catégorie : A la une, Entretiens
Artiste(s) :
Evenement(s) :
Production(s) :
Ville(s) :

2 réactions »

Et toi t'en penses quoi ?