Entretien avec C Duncan

Cet automne, à peine un an après son premier album-bijou Architect, Christopher Duncan, alias C Duncan, sortait déjà son deuxième album, The Midnight Sun. Il était d’ailleurs au Pitchfork Music Festival, pour apporter quelques grammes de délicatesse dans la programmation. C’est à cette occasion que Le Transistor a rencontré l’Ecossais – sans accent heureusement ! Juste après son concert, on a discuté de Glasgow, de solfège, d’angles mais aussi de doom metal.

C Duncan

C Duncan est fan de sa ville natale, malgré ses défauts : « Glasgow est parfait pour l’art, parce qu’il fait trop froid pour faire autre chose qu’écrire de la musique. Il n’ y a de toutes manière moins de choses à faire qu’à Edinburg. Et puis… vous avez vu les filles de Glasgow ? (rires) j’ai le droit de le dire, parce que je suis gay… J’ai un avis objectif ! »

Ce nouvel album, The Midnight Sun, l’Écossais a choisi d’entièrement l’enregistrer chez lui. « J’aime beaucoup travailler de chez moi. Quand j’écris, je prends la guitare et je commence à enregistrer directement sur mon ordinateur. Je vais y passer peut-être 12 heures par jour, pendant 3 ou 4 mois. Donc ça prend du temps, et si j’étais en studio, je ne pourrais pas le prendre, ce temps ou alors ce sera trop cher. » C’est aussi pourquoi la pochette représente son palier. « C’est moi qui l’ai réalisée, parce que j’avais déjà des idées en tête. C’est la cage d’escalier de l’immeuble où je vis depuis dix ans. D’habitude quand j’écris, je sors sur mon palier pour fumer. Donc sur de longues périodes je suis soit dans la chambre qui me sert de studio, soit dans les escaliers. C’est pour ça que cette image signifie beaucoup pour moi. Alors bien sûr ça a l’air très ennuyeux à peindre, mais il a plein d’angles cool. Bon en même temps j’adore les angles ! »

C Duncan l’admet lui-même, c’est un control freak. « J’adore produire ma musique, et après ce nouvel album, je sais comment faire sonner ma voix comme j’aimerais. Et j’aime avoir un contrôle absolu sur ma musique, ce qui n’est possible que si j’enregistre chez moi. Je suis un peu un connard à ce sujet, je veux dire : ça me dérange pas qu’on me fasse des commentaires constructifs, mais quand je suis en train d’enregistrer, je le fais à ma manière, et pour l’instant ça fonctionne. »

Elevé dans une famille de musicien, l’artiste n’a pas toujours été doué en solfège. « Quand j’ai appris la musique, j’étais encore enfant, et je n’ai réalisé que tard que j’avais une dyslexie. En soi, rien de grave, mais j’avais du mal à lire la musique et jouer en même temps. Je me disais juste que j’étais plus lent donc j’ai beaucoup appris à l’oreille – pas forcément très bien – mais si j’entendais quelque chose j’essayais de le re-créer. Maintenant je me suis beaucoup entraîné, et j’arrive mieux à lire la musique, mais écrire n’a jamais été un problème. » Ce qui ne l’a pas empêché d’écrire sa première chanson très jeune. « J’ai commencé le piano quand j’étais jeune, six ou sept ans, et déjà à l’époque je voulais écrire ma propre musique. Donc je m’asseyais pour jouer des mélodies simples, tout en essayant d’imaginer une main gauche. C’est comme ça que j’ai écrit une chanson quand j’avais genre 10 ans. Oh elle était pas très bonne, mais j’ai continué à écrire. Je l’ai jamais transposée sur partition, mes parents ont juste mis un enregistreur à côté du piano (rires ) ! »

Par la suite, C Duncan est parti étudier la composition à l’université. « Tout d’abord parce que j’adore écrire, mais aussi parce que je ne pourrais jamais être un pianiste classique. Même si j’étais assez talentueux pour le faire, j’aime rester en retrait. Je préfère écrire, puis donner les partitions à un orchestre, et m’assoir au tout dernier rang pour écouter. Cela dit, quand je composais pour des orchestres ou des quatuors à cordes, j’ai jamais arrêté d’enregistrer de la pop. » Et malgré sa formation classique, a décidé d’envoyer un album de pop à un label. « J’adore composer, donc j’ai voulu écrire un album pop. Je l’ai envoyé à Fat Cat, tout en me disant que je gèrerais le problème du live plus tard. Et même j’apprécie le live maintenant, la vraie joie de ma carrière c’est d’écrire et d’enregistrer. C’est pour ça que j’ai tenté ma chance auprès d’un label : pour pouvoir continuer à écrire. Maintenant j’apprécie même le live, donc la vie est belle. »

Aux débuts, C Duncan n’avait aucune envie de jouer sa musique sur scène. « La pop c’est fun, mais être un frontman, je peux pas ! C’est tellement loin de ma personnalité ! Bon, après environ deux cents concerts, maintenant je suis plus à l’aise. Alors bien sûr je fais pas le tour du plateau en courant, j’essaie pas d’attirer plus d’attention sur moi que nécessaire… Mais c’est ma musique, il faut bien, et puis ça commence à me plaire. » C’est pourquoi il s’est entouré d’amis pour ses tournées. « Ils sont très talentueux ! Chacun a son propre projet et joue dans un autre groupe, ce qui veut dire que je peux écrire notre musique ma musique, qu’ils viennent ensuite jouer. Et puis on est tous amis, ce qui rend la dynamique positive. Personne ne veut mettre trop sa patte sur ma musique, parce qu’ils me connaissent tous très bien, et savent ce que je veux. Et je sais ce qu’ils veulent dans leurs compos aussi, d’ailleurs je joue dans certains de leurs groupes. »

Depuis un bout de temps, C Duncan a dans l’idée de retravailler avec un quatuor à cordes. « Au moment de la sortie d’Architect, j’annonçais que pour le prochain album je ferais appel à un quatuor à cordes… Et il s’est avéré plus électronique ! C’est toujours dans mes projets, mais je vais peut-être finir par faire quelque chose de totalement différent. J’ai fait la version électrique – et j’adore écrire ce style de musique -, mais j’ai aussi envie de me mettre des défis. Je veux essayer d’arranger ma musique différemment, pour garder une certaine excitation. » Mais si sa musique est très délicate, C Duncan est un ancien fan de metal. « C’était une phase assez étrange de ma vie. On a tous un exutoire, pour la rage ou autre, et quand on écoute quelque chose de particulièrement lourd, ça libère de ressentir la colère ou la folie du chanteur. Quand j’étais ado, comme tous les ados, j’étais assez angoissé, et mon exutoire, c’était ce gros son, très énergétique mais très mélodique aussi. J’écoute encore du doom de temps en temps, et j’adore aller en concert : j’ai vu Slayer récemment, c’était génial. »

Réclame

The Midnight Sun, le deuxième album de C Duncan, est paru chez Fat Cat.
Lire le live report de C Duncan au Pitchfork Music Festival


Remerciements : Pauline [La Cadence]

Catégorie : A la une, Entretiens
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Une réaction »

  • Pitchfork Music Festival : Flavien Berger, Parquet Courts, Floating Points... | Le Transistor :

    […] Bordé de très jolies lumières, C Duncan et ses quatre musiciens bercent la Grande halle et parviennent à faire disparaître toute l’architecture métallique à l’aide de ses choeurs enjôleurs. Même ses remerciements n’ont pas l’accent de l’industrialisation, un véritable tour de magie pour un Ecossais ! Peut-être sa formation classique l’aura-t-elle aidé à gommer les angles, en tous cas, sa voix de tête parviendrait presque à rejoindre les envolée de Jonsi ! Puis pour planter une mélodie dans la tête de tout le monde ce soir, C Duncan finit sur son single légèrement plus musclé, ‘Wanted it to Want it Too’. Lire l’interview de C Duncan […]

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