Entretien avec Gengahr
Le Transistor ne cède pas souvent à la tentation de faire des top albums de l’année. Surtout quand d’autres grandes institutions s’en chargent si bien. Et dans la liste des albums retenus par le Mercury Prize se trouve A Dream Outside de Gengahr. Lors de leur passage au Point Ephémère, Le Transistor a rencontré Felix Bushe, avec son guitare virtuose John Victor, venu pour soutien psychologique plus qu’autre chose. Gengahr (oui ça vient des Pokemon) a raconté, non sans humour, les années de galères pour en arriver à sortir ce premier album.
Gengahr
Gengahr est un peu sous pression, car c’est leur première tournée européenne en tête d’affiche. Mais Felix Bushe relativise : “A l’école, on a été habitués à jouer nos compositions, face à des gens qui avaient aucune envie de nous écouter. Forcément, on jouait de la guitare alors que tout le monde écoutait du Mary J. Blige à l’époque !”
Si A Dream Outside est leur premier album, les membres de Gengahr ont de l’expérience dans la musique. “On a 26 ans maintenant, et perso, je joue depuis que j’ai 14 ans, donc ça fait 12 ans déjà. On a fait beaucoup de choses avant Gengahr, j’ai été dans différents groupes, ce qui m’a permis d’apprendre pas mal de choses. Notamment de travailler avec des managers, au passage on grapille des infos, pour savoir à quoi s’attendre.” Le succès s’est fait désirer, mais Felix Bushe ne paraît pas amer. “Certains ont de la chance, et à 16 ans ils signent avec une major : tout change et ils font un carton dans le monde entier. Et pour d’autres, comme nous, ça prend 12 ans, et finalement on trouve un contrat, on commence à travailler avec des professionnels. Mais au moins, quand on y arrive, on a une idée plus claire de ce qu’on veut et de comment s’y prendre. Et c’est le plus important. Donc oui, ça a été long mais quelque part, on a mérité ce succès.”
Gengahr, c’est l’histoire d’une longue amitié, avec un élément déclencheur en John Victor. “John a rejoint le groupe que je formais avec Danny et Hugh, avant Gengahr. Il a assuré la guitare pour un des derniers concerts de l’ancien groupe. Ensuite, on a continué à jouer de la musique ensemble, mais avec un peu moins d’intensité qu’auparavant. Chacun avait plus ou moins son propre projet en cours, en parallèle.” Après un an de répétition, Gengahr est parti enregistrer des démos. “Bien évidemment, on a tout payé de notre poche, c’était juste pour s’amuser. Et puis on a posté nos chansons sur Soundcloud, et c’est là que les blogs ont commencé à parler de nous, ce qui a déclenché les propositions de concerts. A cette époque, on avait aucune équipe : pas de manager ni d’agent ou d’avocat. On faisait juste de la musique entre nous, par nos propres moyens. Comme quoi, on peut jamais prévoir comment les choses vont tourner.”
Philosphe, Gengahr se dit que la réussite n’est pas une question de talent, mais de moment. “Il y a plein de conjectures… Je joue avec Dan et Hugh depuis à peu près le début, mais on jouait aussi dans d’autres groupes séparément. Et John aussi était dans d’autres groupes… Donc John était un peu le chaînon manquant de notre groupe. Mais John a été dans d’autres groupes qui n’ont pas plus marché, donc tout ne repose pas non plus sur son jeu. Ca marche dans les deux sens !
John : En même temps je jouais du punk rock à l’époque. Je m’amusais juste, il n’y avait pas vraiment de variété dans le jeu.
Felix : Alors qu’avec nous, c’est pas du tout drôle, rien de sympa, on est juste là pour le business !
John : C’est clair !”
Ce premier album A Dream Outside, Gengahr est fier d’annoncer qu’ils l’ont réalisé seuls. “Aucun de nous n’avait fait d’album auparavant. Donc on voulait faire le maximum nous-mêmes, parce qu’on s’est dit que sur un premier, on aurait encore un peu de liberté. Parce qu’on est conscient, qu’au fil du processus, on peut facilement perdre le contrôle. C’est pour ça qu’on a voulu prendre autant de décisions que possible. C’était vraiment notre priorité.” Les musiciens se sont imposés ce challenge pour voir s’ils en étaient capable. “C’était une expérience très enrichissante et je pense qu’on a réussi à faire l’album qu’on voulait. Bien sûr il est pas parfait, loin de là, mais pour nous c’est le premier album parfait… On a été en mesure de faire exactement ce qu’on avait en tête, sans personne pour nous contredire ou nous influencer. Et la prochaine fois, si on prend un producteur, il faudra que le résultat soit meilleur que ce qu’on a fait seuls.”
Pour pouvoir se concentrer, Gengahr est parti s’isoler dans le Devon. “Ca fait du bien en fait, parce qu’on est loin de tout. Et puis on peut faire de longues sessions de 9 à minuit la plupart du temps. C’était clairement important pour nous de pouvoir faire ce break.
John : S’il le pouvait il nous confisquerait nos téléphones !
Felix : C’est parce que même quand on capte pas, on trouve toujours le moyen de jouer à un jeu débile. C’est juste chiant ! C’est là qu’on réalise qu’on a que peu de capacité d’attention : même quand je regarde la télé, je suis sur mon téléphone. Ce qui fait que je suis pas vraiment sur mon tel et pas vraiment en train de regarder la télé, donc je suis en train de rien faire en fait ! Et on est tous concernés !”
Quand ils étaient encore au lycée, Felix, Danny et Hugh se réfugiaient dans la salle de répétition pour éviter de se faire démolir. “On était dans une école assez… dure à Stoke Newington. Mais c’était une bonne école pour la musique, parce qu’on avait une salle de répétition en libre accès. La moitié du temps on y allait par choix, et l’autre moitié du temps, c’était pour éviter les brutes. Au final, on était gagnants : on a développé nos talents, et on s’est fait moins de bleus.” Sauf que Felix Bushe a tout de même laissé des plumes dans cette salle de répétition. “C’est dans cette salle que je me suis fait électrocuter… Parce que la qualité de l’équipement n’était pas réglementaire. Du coup, quand je suis tombé au sol sous le choc, mon torse était en feu. L’école s’est alors montrée très gentille avec moi… Et ce n’est que longtemps après que j’ai compris qu’ils étaient juste terrifiés à l’idée que je les traine en justice. Je pense que j’aurais dû en fait ! parce que quand j’y repense, j’aurais pu mourir !”
Justement, leur musique ressemble à des hématomes maquillés. Comme un mélange de Unknown Mortal Orchestra et Yuck. “C’est drôle, Jonny, le batteur de Yuck est mon coloc ! Il m’a fait découvrir pas mal de groupes quand on a emménagé ensemble. Des trucs bizarres, d’avant-garde, Deerhoof et des choses plus lourdes genre Sparklehorse, que je n’avais pas encore eu l’occasion de croiser à Londres. Mais je pense qu’à cette époque, New York était en avance, ils avaient pas mal de groupes à guitare assez cool. Donc ce qu’il écoutait était frais pour le vieux continent.”
Réclame
A Dream Outside, le premier album de Gengahr, est paru chez Transgressive/PIAS
Lire le report de Gengahr au Point Ephémère
Lire l’interview de Yuck
Remerciements : Bart' [PIAS]
Catégorie : A la une, Entretiens
Artiste(s) : Gengahr
Salle(s) : Point Ephémère
Production(s) : PIAS, [PIAS] Cooperative
Ville(s) : Paris
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