Entretien avec Handcrafted Soul

Handcrafted Soul, c’est un duo pop-rock-rétro dont on t’a déjà un peu parlé. Depuis 2009, ils façonnent leurs chansons et vidéos avec soin, pour explorer l’insouciance des années 50 et 60. Après avoir financé leur premier album via la plateforme de crowdfunding Ulule, Samia et Mounir ont rencontré un label qui s’est proposé de distribuer leur Life Sounds Better!. Sorti en mai, il était donc grand temps que Le Transistor s’asseye en terrasse avec le duo pour discuter.

Handcrafted Soul

On ne peut que saluer la persévérance de Handcrafted Soul : leur MySpace a été créé en 2008 !
Mounir : C’est pas vraiment un mérite que de continuer.
Samia : C’est juste qu’on peut pas trop s’en empêcher. Avec ou sans, peu importe ce que va donner l’histoire, on fait. »

La genèse de Handcrafted Soul, c’est Samia qui a programmé le groupe de Mounir pour un évènement.
Samia : J’avais une association, on était quatre nanas, avec l’envie de donner la chance à plein d’artistes. Du coup, on organisait des journées et soirées à thèmes, avec concerts, expos photo, happening de danse, de lecture, tout un tas de trucs. A cette époque, Mounir jouait dans un autre groupe.
Mounir : C’était un groupe de rap cross-over un peu. Et ce qui est marrant c’est qu’on a tous continué mais chacun dans des trucs différents. Comme Adrien Soleiman ou Vincha.
Samia : C’était une période cool, on a fait des beaux trucs avec cette asso. Elle a existé deux ans, pas très longtemps, mais c’était super. On a fait pas mal de choses avec le Cabaret des Filles de Joie, avant qu’elles soient à la Bellevilloise. Et c’est comme ça que j’ai rencontré Mounir. On s’est mis à parler musique, et on a découvert qu’on avait plein de goûts en commun. Donc on a commencé par des reprises, puis on a eu envie d’écrire nos trucs à nous. »

Leurs influences majeures, c’est les groupes américains des années 50 et 60.
Samia : Récemment, je me suis mis à écouter vachement de trucs actuels parce que faut que j’arrête de me noyer dans tous mes trucs d’artistes morts. Faut sortir un peu de ça. Mais naturellement j’ai ça depuis un peu gamine d’écouter des trucs à l’ancienne. Ca me fait voyager. Comme on n’a pas connu cette période-là, il y a un côté hyper fantasmé, glamour. Et puis c’est une période d’après-guerre, chargée d’espoir.
Mounir : Des fois je cherche à comprendre pourquoi je suis passionné par cette période, ce qui me fait vibrer spécialement. Et je me dis que c’est parce que les gens y croyaient. Aujourd’hui on est à une époque où on voit que ça marche pas… Et je trouve que la musique reflète cet état d’esprit : et en ce moment on n’est pas dans une période d’effervescence sociale, du coup la musique ne transpire pas la bonne humeur. Même si bien entendu, il reste des choses joyeuses…
Samia : La musique raconte une époque quoi qu’il arrive. Et ce que les gens racontent à travers la musique, c’est les combats sociaux, ou identitaires. Comme Christine & the Queens… parce que sa tenue, c’est un combat sur l’identité ! »

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En parlant de tenues, Handcrafted Soul apporte un soin spécial à l’image du groupe justement. « Cette image qu’on a créée, franchement on n’y a pas vraiment réfléchi. Quand on a commencé le groupe, on s’est amusé comme des gosses. Déjà à chanter des chansons à l’ancienne, et puis du coup est venue l’envie de se saper bien, de se faire beau. On l’a pas maîtrisé, mais après bien sûr on en a pris soin, on s’est vachement accrochés à cette image, qui nous permet d’être reconnaissables en plus.
Samia : La scène c’est fait pour se déguiser mais dans le bon sens du terme. Ou pas j’en sais rien, mais on aime bien. Ca me permet d’être… je sais pas, mais je me verrais pas aller en jeans sur scène. J’ai envie d’être à l’image de mes chansons. Pour faire partie de cet univers-là. »
Et surtout, chaque clip a été réalisé par Mounir et Samia. « Quand on s’est mis sur MySpace – ça nous rajeunit pas, c’était en 2008 – on a eu des retours plus que positifs. Et on nous a proposé de faire des clips. On était super emballés, mais quand on a rencontré les gens, à chaque fois quelque chose n’allait pas. Pour une raison ou une autre, type budget, ça se faisait pas. Au bout d’un moment, on s’est qu’on allait le faire tout seul. Comme ça au moins, on est sûrs de l’avoir.
Samia : Un peu malgré nous en fait, on a du s’occuper de notre image. Et en fait c’est bien, ça construit une cohérence.
Mounir : C’est là qu’on s’est rendu compte qu’on arrivait à quelque chose. Je regrette pas du tout que ce soit passé comme ça parce qu’on a vécu plein de trucs cools grâce à ça aussi. On a voyagé pour faire des clips, c’était super enrichissant.

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En même temps, Handcrafted Soul est clairement fanatique de cinéma.
Samia : Je suis une cinéphile, j’ai voulu être comédienne à un moment. Et surtout, j’aime bien raconter des histoires. Et là on revient des Etats-Unis où on est partis refaire des clips. On est des hyperactifs : même si on sort pas tout ce qu’on produit, au moins on est tout le temps dans une énergie. C’est pas tous les jours tout le temps mais… faut qu’on se nourrisse.
Mounir : On est partis aux Etats-Unis pour une série, on voulait faire des cartes postales. Et on a essayé de commencer à dessiner une histoire qui va se poursuivre de vidéo en vidéo.
Samia : On s’amuse avec les scénarios. Et puis quand on va tourner aux Etats-Unis, il y a tellement tout un décor ! On est fascinés par tous les films des frères Coen, j’adore ces ambiances dans les motels pourris. »

A côté de Handcrafted Soul, Samia et Mounir se débrouillent pour vivre leur passion.
Samia : On a eu la chance depuis presque trois ans, d’arriver à tourner avec ce projet. C’est quand même une priorité dans nos vies, on n’arrive pas à lâcher, mais c’est surtout qu’on en a pas marre. Pendant trois ans, Handcrafted Soul a été notre source principale de revenus, et maintenant Mounir fait du montage, alors qu’il savait pas du tout le faire il y a quelques années, avant le groupe.
Mounir : C’est des gens qui sont venus vers moi après avoir vu les clips. Donc si ça permet de gagner de l’argent…
Samia : J’ai un parcours bizarre, parce qu’avant j’étais assistante casting sur des longs métrages. Et j’ai arrêté parce qu’on avait beaucoup de dates qui arrivaient avec le groupe, c’était il y a trois ans. Du coup je reprends un peu pour faire des cachets. Et à côté je fais aussi des piges en maquilleuse pour des chaînes. On a choisi ce mode-là, et trouvé ce compromis pour continuer à faire les choses qui nous éclatent. Pour le moment, j’espère, Inch’ Allah comme on dit, qu’on va pouvoir continuer comme ça. C’est important d’aménager du temps, pour nous et pour créer. »

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Ces parcours d’intermittents leur permettent de rester flexibles pour multiplier les concerts.
Samia : Quand on n’a pas de dates, c’est dur, parce que j’adore la scène, ça me manque vite. Bon je fais ma maline mais les premières fois c’était super angoissant. Alors que j’avais déjà fait de la scène, mais en théâtre. Pour le coup, je trouve que vraiment la musique c’est un truc pour lequel tu mets vachement à poil. »

Réclame

Life Sounds Better!, le premier album de Handcrafted Soul, est paru début mai chez Washi Washa.


Remerciements : Pauline [Washi Washa]

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