Entretien avec Panda Bear
Après la longue tournée de Centipede Hz avec Animal Collective, Panda Bear revient avec son cinquième album solo, Panda Bear Meets The Grim Reaper. Un titre morbide en apparence, puisque peu de monde se sort vivant d’une rencontre avec la Grande Faucheuse, et pourtant PBVSGR se révèle presque rassurant dans son expérimentation. Plus dans la continuité de Tomboy qu’un écho à son Young Prayer composé en référence au décès de son père.
En fait, Panda Bear Meets The Grim Reaper ne parle pas du tout de mort : « Le titre est en fait référence aux bandes-dessinées de super-héros ! C’est plutôt à propos de changement. C’est la mort au sens des tarots. »
Pour Panda Bear Meets The Grim Reaper, Noah Lennox a voulu justement adopter une nouvelle approche. « Tout au long de l’album, j’aborde des sujets qui sont pas forcément sombres, mais restent sérieux, alors que les chansons sonnent décontractées. C’est comme ça que j’avais envisagé ce titre. Et ça fonctionne bien dans le sens où ça introduit un personnage profond et sombre, mais présenté dans un packaging coloré. » S’il a voulu un album plus léger, c’est parce que l’artiste est conscient que ses compositions ne sont pas forcément accessibles. « Il y a quelques éléments sur l’album qui prendront un peu de temps à digérer, c’est pour ça que j’ai cherché des composantes musicales plus instantanées. Je voulais garder le chant simple, avec des mélodies qui resteraient en tête et une rythmique franche comme des chansons pour enfant ou des hymnes nationaux. Pour rendre l’album plus accrocheur. »
Pour ce cinquième album solo, Noah Lennox avait accumulé beaucoup de chansons qui se sont décantées d’elles-mêmes. « J’étais en train d’essayer de les assembler, quand il m’a semblé qu’une histoire se dessinait toute seule. Les premières chansons expriment une séparation, une dissolution de l’identité, qui mène vers une sorte d’épisode psychotique : toutes sortes de choses étranges se passent. L’équilibre est fragile, prêt à s’effondrer. Puis l’appel de la trompette au début de ‘Tropic of Cancer’ indique un changement. » PBVSGR repose sur des piliers qui scindent l’album en deux parties : ‘Tropic of Cancer’ et ‘Lonely Wanderer’. « Ces morceaux sont là pour rappeler les moments intenses de ta vie, ces moments qui t’ont obligé à modifier ton identité. De mon expérience, parce que ça m’est arrivé deux ou trois fois déjà, c’est souvent un moment froid, vide : psychologiquement, c’est un sentiment déprimant. Avant que quelque chose de nouveau puisse pousser, il faut traverser un désert. Même si ça paraît un peu lourd d’en parler comme ça. »
Panda Bear a quelque peu hésité à collaborer de nouveau avec Peter Kember alias Sonic Boom de Spacemen 3. « J’aime pas trop me répéter, donc au début j’étais pas trop pour le fait de travailler à nouveau avec Pete, même si j’adore le résultat. En plus, j’aime beaucoup sa compagnie, on a bien appris à se connaître, surtout depuis la tournée de Tomboy qu’on a faite ensemble. Puis je me suis dit que le style de musique serait plutôt différent, donc on risquait pas de reproduire la même chose. » Sur le précédent Tomboy, Peter Kember n’était intervenu qu’à la fin du processus.« C’est aussi pour ça que je l’ai impliqué beaucoup plus en amont que la dernière fois. Pour cet album, j’avais déjà fini les versions basiques des chansons, mais il est venu à Lisbonne en amont pour répéter et voir un peu comment on allait s’organiser. »
Pour ce PBVSGR, Noah Lennox voulait vraiment transposer son travail dans un autre environnement. « Déjà, je voulais le faire dans un réel studio, parce qu’avec le groupe, on a passé pas mal de temps en studio, mais je ne l’avais jamais fait pour mon projet solo. C’était important pour moi. » Mais aussi changer d’équipements, de sampler surtout, puisqu’il avait une fois de plus recours aux samples sur ce nouvel album. « La plupart des éléments je les ai assemblés sur ordinateur, mais de manière assez crue. Il y a beaucoup de logiciels, qui vont faire le boulot pour toi, c’est pratique mais ils décident un peu à ta place. Je suis pas trop fan de cette synchronisation automatique. Quand je bosse sur ordinateur, je préfère me salir un peu les mains et me creuser la tête. Ca crée comme des petites imperfections étranges, quand on dérègle un peu les programmes, ça rend la musique plus organique, plus vivante. »
Mais en tournée, Panda Bear reste fidèle à Danny Perez, qui assure ses vidéos depuis 2006. « A l’époque où j’ai commencé à tourner, c’était juste moi sur scène, en train de chanter et de bidouiller. Et comme je bouge pas non plus énormément sur scène, je me disais que c’était pas la chose la plus intéressante à regarder. J’aimais beaucoup ce qu’il faisait avec le groupe Black Dice, mais je lui ai demandé de faire quelque chose de différent. Et il est arrivé à trouver un style : en parallèle de mes samples audio, il utilise des bouts de films ou de clips vidéo glanés sur Internet. » Pour PBVSGR, le VJ a cherché lui aussi à bouleverser ses habitudes. « A partir de la versions démo de mes chansons, et il a trouvé ces scénarios puis réalisé et monté des images en studio, pour les projeter pendant les concerts. C’est très tourné sur les extra-terrestres, il y a un côté science-fiction. De tout ce qu’il a fait jusqu’à présent, c’est ce que je préfère. Il a vraiment atteint un stade supérieur dans sa réalisation.
Cette angoisse de la répétition est profondément ancrée chez Panda Bear. « C’est assez typique chez moi, cette peur de faire tout le temps la même chose. Simplement parce que ça me paraît assez ennuyeux en fait. Mais aussi, une des raisons pour lesquelles j’aime varier les plaisirs, c’est parce que c’est plus difficile de le comparer à ce qui a été fait auparavant. Je peux pas commencer cette lutte intérieure, à m’inquiéter si c’est mieux ou moins bien… C’est pour ça que j’essaie au maximum de m’en écarter. »
Noah Lennox continue sa réflexion à voix haute, comme pour se rassurer. « Sauf que plus on compose, plus c’est difficile d’essayer de partir dans une direction différente. Mais dans un sens, tous les groupes que j’aime ont quelque chose de reconnaissable. Et j’aime à penser qu’il y a une constante dans ma musique : j’espère que ma musique a une personnalité, que ça me ressemble. »
Réclame
Panda Bear Meets The Grim Reaper, le cinquième album de Panda Bear, est paru chez Domino Records
Panda Bear sera en concert à la Gaîté Lyrique le 6 mars 2015
Remerciements : Jennifer (Domino)
Catégorie : A la une, Entretiens
Artiste(s) : Panda Bear
Production(s) : Domino Records
[…] sur sa dernière tournée rendre ses compositions hypnotiques, ne parvient pas à convaincre avec un album bien plus pop et accessible. Les couleurs psychédéliques plaquées sur des envahisseurs séducteurs donnent des envies de […]
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