Entretien avec Boogers
Quelques années après le discret More Better, Boogers revient encore plus grunge que jamais car désormais peroxydé, avec un Running in the Flame flambant neuf. Toujours aussi marqué par la pop des années 90, ce nouvel album reste dans la lignée de l’ingénieux As Clean As Possible. D’ailleurs, pour que l’immersion soit totale, c’est dans un Burger King que la rencontre avec Stéphane Charasse – alias Chacha – s’est faite !
Boogers
Une exclamation de Boogers résume bien notre entretien : « Qu’est-ce qu’on aura parlé de NoFX dans cette interview, faut que j’arrête, ça va se voir ! »
En effet, la musique de Boogers est fortement influencée par les années 90. « J’invente rien, c’est une synthèse en fait. Je m’en sors pas en fait, j’arrive pas à faire autre chose. Les trucs de maintenant me bottent pas trop, je comprends pas trop comment c’est fait. J’écoute de tout, beaucoup de choses, tout le temps, mais les trucs à la mode lancés par les inRocKs et tout, ça me touche pas. » Car son éducation musicale s’est faite à force de boulimie muisicale. « J’ai jamais eu de prof de musique donc j’ai digéré ce que j’ai écouté… C’est les trucs auxquels j’ai eu accès aussi : il y a 25 ans, j’allais à la bibliothèque de Tours emprunter des cassettes. J’ai pris ma branlée en écoutant Alan Vega. Je sais pas si aujourd’hui je serais musicien si j’avais pas été en manque de musique, si j’avais eu accès à tout… »
Pour Chacha, c’est en 94 que la musique a basculé : « En un an on s’est tout pris dans la gueule : Nirvana, Rage et machin, c’est des trucs que j’écoute pas mais faut avouer qu’après coup, c’était une révolution. Avant j’écoutais Téléphone, Lenny Kravitz et Confetti’s ! C’est mon corres allemand qui m’a fait écouter les Ramones et Minor Threat, et je me disais, ah bon ? on a le droit de dire ça ? Tout ce que je fais aujourd’hui part de cette période-là ! » Et pourtant, ses références ne font désormais plus l’unanimité. « Les jeunes de 16 ans aujourd’hui ils écoutent pas NoFX mais Joy Division. Quand je passe des trucs que j’écoutais à l’époque à des mômes de 15 ans, ils me rient au nez. Pour eux, c’est de la musique de dessin animé. Comme avec les yéyés de nos parents : on se foutait de leur gueule avec leurs Dalida et Sheila. Et maintenant ils préfèrent écouter La Femme, Fauve, ou des trucs en slim où ça fait la gueule. Je trouve ça bizarre d’écouter les Cocteaux Twins à 25 ans. »
Cependant, Chacha reste fidèle à son idole de toujours : Beck. « Son nouvel album, Morning Phase, c’est la lumière, il maîtrise un truc. Je sais pas s’il est scientologue ou pas, mais j’ai revu des live de Midnight Vulture et c’est juste la folie. Comme l’ensemble de sa discographie ! Il est trop complet et en plus il a ce truc de musique américaine en lui : il pourrait même prendre juste une gratte sèche et se mettre à la folk ! » La musique de Beck représente une sorte de fantasme pour Boogers. « Les textes aussi sont magnifiques… Après je sais que je suis incapable d’être aussi fin, je suis encore trop dans le punk rock. J’ai un truc que j’ai pas fini. J’adorerais faire un disque superbe, un truc on y croit à mort. Mais je suis tagada-tsoin tsoin, j’y peux rien c’est ma nature. »
Running in the Flame est déjà le quatrième album de Boogers. « Mon premier album existe pas vraiment, il a été pressé qu’à 500 exemplaires, du coup il se vend à 32€ sur Internet, je suis très fier. Ca fait 10 ans maintenant, et j’ai compris maintenant qu’il faut 15 ans pour y arriver. Mais s’il faut arrêter avant, je le ferais : je sais pas si dans 10 ans je monterais dans un camion pour aller faire des concerts. » La promesse d’un super tour bus si jamais sa carrière décolle n’a pas l’air de le rassurer. « Si y a le confort, c’est plus drôle. Je sais faire que des choses dans le manque en fait. Si je vais dans un studio qui a tout le matos, je m’ennuie. Je préfère avoir un mini magnétophone qui marche mal et une batterie cassée. » Son côté lo-fi est plus un besoin qu’une conséquence. « Je sais pas du tout prendre soin du matos. Je le laisse un peu vivre sa vie, ça me permet de trouver des trucs : s’il manque une corde, ça me donne une autre idée. J’adore les contraintes ! Mais surtout y a rien de voulu, si je pouvais arrêter de tout péter tout le temps, ce serait génial. »
Avec le titre ‘Don’t Want Me’, Boogers s’aventure sur les terres electro… « C’est vachement Chemical Brothers, alors que dans ma tête je faisais un truc de 2014. C’est assez drôle parce que c’est encore 90s, alors que j’ai jamais essayé de faire des trucs comme ça : les Chemical ça a jamais été mon truc. Ce titre c’est limite pas du Boogers. » Pourtant, ce titre reste du Boogers par la présence de samples. « J’ai utilisé ‘Gimme Little Sign’ de Brenton Wood pour celui-ci. J’ai toujours bossé avec des samples, mais d’habitude je les enlève ou les rejoue, parce que légalement ça passe pas. Sauf que là, je peux pas sinon ça tue le morceau. Donc c’est la première fois que je déclare un sample : c’est une démarche hyper impressionnante pour moi de faire ça dans la légalité. C’est pas gratos, mais je suis super content d’avoir donné de l’argent pour pouvoir utiliser ce sample. »
Et pour la première fois, Chacha a fait un titre en français… pour épater sa nouvelle copine ! « Elle m’a emmené voir Mama Rosin, c’est comme ça que j’ai découvert la musique cajun. Et comme elle est fan de garage, j’ai essayé de faire un morceau dans ce goût-là. A la base, je le chantais avec l’accent québécois. Et puis mon pote Pierre Emmanuel Meriaud m’a dit d’arrêter mon délire et de le faire en français. Mais tout compte fait, je préfère vraiment avec l’accent ! » Ce morceau punk sonne au final très Wampas ! « Je l’avais pas vu le côté Wampas sur ce morceau, c’est les chroniqueurs qui me l’ont fait remarquer. Mais du coup, comme je vais faire quatre dates avec eux, je vais proposer à Didier de le chanter avec moi. »
Sur scène, comme en studio, Chacha gère tout tout seul. « Economiquement c’est impossible. Déjà je m’en sors pas, alors avec un groupe c’est encore pire. Si on doit répéter dix fois avant de faire un concert, pour moi c’est primordial qu’ils soient payés. Et puis je me sens plus fort tout seul : avec des gens je suis un peu paniqué, là au moins si je me plante je le dois qu’à moi. » Et même si le concert repose sur des bandes, Boogers part en mode punk en live. « Je craque un peu en concert, parce qu’éternellement mon morceau fera 3 minutes 32. Mentalement c’est un peu dur, du coup, je me lâche. Je fais pas exprès, c’est de la défense je pense, mais au final je rigole bien… Des fois je dérape, des fois je fais des bides, des fois où je pars en one-man-show et j’oublie que je fais de la musique. Un peu ambiance NoFX : sur 1 heure 20 de concert t’as 20 minutes de blagues ! »
Réclame
Running in the Flame, le quatrième album de Boogers, est paru chez At(h)ome.
Boogers sera en concert le 20 octobre au Divan du Monde et le 19 novembre au Café de la Danse avec Mermonte
Lire l’interview de Mermonte
Remerciements : Charlotte Benoit !
Catégorie : A la une, Entretiens
Artiste(s) : Boogers
Production(s) : At(h)ome
[…] encore attelé en bar derrière les gradins. Une fois l’attention captée, Boogers se lance dans son quatrième album Running in the Flame et plonge la salle dans une ambiance années 90. S’agitant sur ses machines, il se tape un délire […]
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