Entretien avec Liars

Depuis quelques années Le Transistor ne décroche pas de Liars. Grand Manitou du rock-electro des années 2000, ce trio addictif originaire de Los Angeles aime à allier densité de son et angoisse. Une vraie drogue ! Pour son septième album, Mess, Liars décide de partir aux antipodes de WIXIW (palindrome à prononcer Wish You). A la Route du Rock, le géant Angus Andrew a pris le temps de papoter sur le sens de ce désordre… et de Britney Spears !

Liars

Cette interview compare beaucoup Mess et WIXIW mais Angus Andrew lui-même le confirme : « Ce sont deux albums frères. Même s’ils se contredisent. »

En effet, Mess a commencé comme une deuxième partie de WIXIW. « On a passé pas mal de temps à bosser sur WIXIW, et on s’est retrouvé avec beaucoup de matière. Notre label Mute voulait qu’on en profite pour faire un WIXIW 2. J’étais pas trop pour, parce que c’est pas comme ça qu’on fait un album. Mais j’ai accepté de ré-écouter les bandes. Donc après une courte pause, je suis retourné en studio pour voir ce qu’il restait du dernier album. » Sauf que Liars n’est pas du genre à se répéter. « Rapidement, je me suis lassé et je me suis remis à composer. En une semaine, j’avais déjà fait pas mal de trucs, mais que des nouvelles compositions. Donc c’était plus ou moins inspiré par le travail sur WIXIW mais on a utilisé aucun des essais de l’ancien album. J’aime pas trop cette idée de restes. »

Pour Liars, WIXIW était surtout un album d’apprentissage. « Quand on a commencé l’album, on savait pas comment faire de la musique avec un ordinateur. C’était très difficile, c’est pour ça que cet album est si lourd. Pour Mess, je voulais être capable d’utiliser ce qu’on avait appris, mais d’une manière plus viscérale, plus immédiate, plus amusante. On en était plus au stade de s’assoir à l’ordi avec un manuel d’utilisateur à éplucher. » Mess est donc comme une mise en pratique. « Quand je suis retourné en studio, j’ai réalisé que j’avais désormais suffisamment de technique pour pouvoir entrer dans le vif du sujet. Parce que même si WIXIW est un album important, il reste rempli de doutes. Chargé d’anxiétés, et très cérébral. Et je me suis dit que ce serait bien de partir à l’opposé : beaucoup plus énergique et moins introspectif. »

Depuis WIXIW, Liars arrive à s’ouvrir, pour composer des albums plus personnels. « Par le passé, on mettait un point d’honneur à trouver et suivre un concept pour nos albums. C’était comme un objectif. Pour Sisterworld, le concept c’était Los Angeles, donc tout allait dans ce sens. Et WIXIW était le premier album pour lequel on s’est dit que le concept pouvait être nous-mêmes, avec nos doutes et nos peurs. Et donc WIXIW est devenu comme un miroir. Mais c’était aussi un grand pas pour nous, d’être capable de le faire. » Cependant Mess est beaucoup plus positif. « L’idée est d’arriver à se comprendre soi-même, ses limitations, ses problèmes. Et réaliser que ces questionnements peuvent être utilisés à notre avantage. Que si on comprend certains blocages, on peut travailler dessus pour mieux les résoudre. »

Cette fois-ci, le concept était de ne pas avoir de concept. « Quelque part, les chansons de Britney Spears sont très conceptuelles, parce qu’elle a littéralement une équipe derrière elle, qui crée un produit élaboré dans un but spécifique. J’appelle ça une manière conceptuelle de créer de la musique : puisqu’on pense à ce que ça doit représenter avant de le composer. » Donc Liars reste malgré tout lié à cette idée de concept. « Le concept était de le rendre amusant, immédiat, de ne pas y passer trop de temps, laisser les choses se passer naturellement et organiquement. Pour moi c’est un concept – pas aussi lourd que nos autres albums, mais pour moi c’est toujours cette idée de répondre à la question avant de se lancer dans la composition. Donc ça reste une approche conceptuelle. »

Néanmoins l’envie était de prendre le contrepied de WIXIW. « Quand on a commencé WIXIW, je voulais y passer autant de temps que nécessaire. C’était épuisant. Et parfois tu réalises que ce n’est pas forcément productif. Parce que tu ré-évalues tout et tu essaies tellement de possibilités, tu suis tellement de chemins, jusqu’à ce que tout devienne fade, sans consistance. » D’éviter de remettre en question chaque étape de composition. « Pour Mess, c’était très facile de me dire qu’une fois qu’un morceau était fait, on y revenait plus. Ni même plus rapide ou plus lent, c’est fait c’est fait. Débrouille-toi avec ! Ca a permis beaucoup plus de fun et de spontanéité dans le processus. Ca se rapproche de notre manière de travailler de quand on était plus jeunes : quand on a fait notre premier album, ce n’était pas aussi réfléchi. La seule question était de savoir si c’était excitant ou non. »
D’ailleurs le premier morceau composé, ‘Can’t Control’, est venu très rapidement. « Parfois, quand quelque chose vient naturellement, on se dit que c’était trop facile. Mais c’est pourtant souvent la meilleure version. Ca vient de toi directement, et c’est comme ça que ça doit se produire. C’est pas forcé. Donc oui, une fois qu’on a compris ça, l’album a suivi cette voie. Ce morceau a donné le la. »

Depuis quelques temps, le chant d’Angus Andrew a évolué. « Sur WIXIW, je ne crie pas de tout l’album, ça a représenté un changement profond pour moi : c’est effrayant de ne pas avoir recours à cette émotion. On a pour la première fois accepté de faire un album qui ne soit pas basé sur cette agression. Ca a ouvert une porte : On a compris qu’on pouvait créer ces émotions sans en arriver là. C’est un pas considérable, ne serait-ce que pour le chant. » Sur ‘Mask Maker‘, le chanteur s’est lancé dans des expérimentations vocales. « Je pense que c’est toujours amusant pour moi, de voir ce que tu peux faire avec la voix. Parce que dans Liars il n’est pas uniquement question de chanter : ma voix est comme un instrument. J’étais curieux de voir ce que les gens utilisent notamment pour masquer leur voix au téléphone. Si on regarde sur Internet, le choix est considérable. Et c’est flippant de se dire qu’ils ne veulent pas être reconnus.» Angus Andrew a expérimenté ce qu’on appelle l’effet du témoin. « J’ai commencé à jouer en m’enregistrant avec une application. Et j’y avais accès que pour quelques heures je crois, donc je me parlais à moi-même, et un personnage a commencé à apparaître. On devient en quelque sorte le son qu’on entend. Et ça te fait dire les choses que tu penses que ce personnage voudrait prononcer, ce qui est très bizarre et intéressant. Et surtout complètement spontané ! »

Réclame

Mess, le septième album de Liars, est paru chez Mute.
Liars sera en concert le 9 octobre à la Machine du Moulin Rouge
Lire le compte rendu du concert de Liars à la Route du Rock
Lire le compte rendu du concert de Liars à la Maroquinerie


Remerciements : Maxime Lecerf et Erwan Boogie

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