Entretien avec Einleit
Dans la programmation du Printemps de Bourges, Le Transistor a croisé une ancienne connaissance. Rencontrés sous le nom de Ooh Check, on a vu le groupe évoluer sous le nom de Wasted Wasted pour enfin éclore en Einleit. Il y a tout juste deux ans, on te parlait de leur premier EP, And I a Twister Love What I Abhor. Sur la scène SFR, Einleit présentait son nouvel EP, Fire Walk With Me. Le Transistor a rencontré Jun Suzuki, Charlie Guillemin et Gabreil Le Masne dans leur studio perché dans le XVIIIe, le Montmartre Recording.
Einleit
Pour résumer le projet, Jun a une phrase toute trouvée. « On est franco-japonais, on chante en anglais et notre nom est allemand… On est ouvert à ce genre de cultures. »
Deux ans après la sortie de leur premier EP, Einleit propose Fire Walk With Me.
Jun : La direction artistique a un petit peu bougé, on est partis un peu plus sur un truc un peu plus ambiant, qui va dans le sens ‘Air‘, la première chanson du dernier EP. Ce titre était pas forcément représentatif de tout l’EP qui était beaucoup plus pop-electro, voire pop-rock.
Gabriel : Le côté ambiant va être plus assumé. Parce que quand on a fait le premier EP, on savait pas trop ce qu’on faisait… On se découvrait musicalement. Là, avec la série de concerts qu’on a faite depuis le premier EP, on a beaucoup beaucoup joué, donc on sait maintenant où on va.
Jun : On commence à savoir vers quoi on veut vraiment aller, et pour l’instant on est super contents de ce qui se dessine. »
C’est leur premier EP signé par le jeune label Wheel Noise.
Charlie : Quand on a sorti le premier EP, on était pas du tout connus donc ça a pas fait beaucoup de bruit. Et quand on a sorti le clip, six mois après environ, on a réussi à rencontrer les bonnes personnes. Et du coup ce deuxième EP, on l’a fait avec le label Wheel Noise.
Jun : Le label nous a repérés parce qu’on a enregistré notre premier EP, And I a Twister Love What I Abhor, dans leur studio. Mathieu et Jérôme, qui ont monté la structure du label sur leur studio d’enregistrement, ont d’abord signé leurs groupes respectifs, Clownage et Facade. C’était leur rêve d’enfant de monter leur label. Et nous on est le premier groupe extérieur.
Gabriel : L’avantage, c’est que pour enregistrer les cinq titres de notre nouvel EP, on a passé je sais pas combien d’heures et de jours en studio. On peut prendre notre temps, c’est ça qui est bien. »
Einleit est comme une réponse à un déclic, qui les a poussés à se professionnaliser.
Jun : Moi c’est mon rêve de vivre de ma musique, mais on gagne tous notre vie à côté : Charlie il a un vrai taf, Gabriel est prof de batterie et moi j’ai quelque chose de plus précaire mais je passe mes journées de libre à faire de la zic. Je leur ai demandé de me suivre et ils ont accepté.
Gabriel : Dans tous les cas, on voulait tous les trois en faire notre métier. Moi je baigne dans la musique depuis que je suis né. Ma famille est musicienne, je connais que ça, j’ai jamais fait autre chose, et donc je suis pas là pour m’amuser. Et heureusement qu’Einleit et Wasted Wasted faisaient de la très bonne musique…
Jun : Avec Wasted Wasted on enregistrait dans notre cave, on faisait partager à nos potes et c’était cool. Et puis on s’est dit qu’on allait mettre de l’argent pour enregistrer un vrai truc. Et c’est là que ça a commencé à un peu se développer.
Charlie : Je pense aussi que vers la fin de Wasted Wasted, les gens commençaient à nous dire qu’il fallait pousser le projet. Et du coup c’est la première fois qu’on a passé une semaine dans une maison de campagne à travailler l’EP, c’était rigolo. »
Mais il ne suffit pas d’enregistrer un bel EP avec de la bonne musique bien produite.
Jun : C’est là que j’ai entamé l’autre processus, pas créatif mais relationnel, qui est nécessaire pour percer. C’est-à-dire sortir aux bonnes soirées, aller discuter avec telle personne, aller à tel concert, parler à tel manager… C’est là que j’ai commencé à prendre conscience du réseau qu’il faut se créer. Ca a débloqué pas mal de trucs : on a su amener l’EP dans les bonnes mains. Par exemple, passer à la radio ça redonne confiance. C’est des petits trucs, mais ça nous donne un coup de motiv’. »
La pierre angulaire de ce nouvel EP, c’est le morceau ‘Trembling Tokyo’.
Jun : La chanson, je l’ai écrite y a trois ans, un peu après la catastrophe qui s’est déroulée au japon en 2011 : le tremblement de terre dans l’océan pacifique puis Fukushima et tout ce qui s’en est suivi. A l’époque mon père habitait à Tokyo, et moi je faisais mes études en Belgique. J’étais tout seul chez moi, loin de ma famille et c’était l’angoisse totale. Je me souviens que je me suis enfermé une semaine dans mon studio, les volets fermés, et j’ai composé cette chanson. »
C’est en écoutant cette chanson que le label a décidé de les signer.
Jun : C’était le deal, même dans le contrat il y avait le nom de la chanson !
Charlie : Quand ils nous ont demandé ce morceau, tous les autres morceaux de l’EP n’existaient pas encore. Jun les a composées selon ce vers quoi on tend, ce qui nous touche.
Jun : En fait, on a pas basé l’EP autour de ‘Trembling Tokyo’, mais autour de ‘Air’. Parce que c’est celle qui avait la plus longue durée de vie : déjà c’est celle que les gens kiffaient le plus, tout simplement, mais aussi c’est celle dont on se lassait le moins. Il y a toujours des chansons que ça te saoule de jouer, parce que ça te correspond plus, alors que ‘Air’ elle colle toujours à notre identité. Et c’est ce genre de chansons que j’ai essayé de composer pour le deuxième EP.
Gabriel : Parce que tu te rends compte que celles dont tu te lasses le plus rapidement, c’est celle qui sont trop teintées par des influences. Air c’est celle qui a le plus d’identité en soi, qui se détache vraiment. »
En somme, malgré un nom allemand, le Japon fait partie de l’ADN d’Einleit. « Jun : J’utilise aussi beaucoup de gammes japonaises, c’est la gamme pantatonique toute basique mais on retrouve un peu de ces mélodies dans Einleit. Il y a beaucoup de compositeurs de films japonais qui m’ont marqué aussi, comme Ryuichi Sakamoto – c’est le compositeur du film avec David Bowie, Merry Christmas Mr Lawrence, un très beau film… Voilà, je suis franco-japonais donc j’assume le japanisant, je trouve ça amusant et puis ça me touche : ça fait partie de ma culture et de mes influences.
Charlie : On fait pas encore de j-pop, mais on ne sait jamais ! »
Réclame
Einleit sera le 28 mai (veille de jour férié) au Bus Palladium pour la release party de Fire Walk With Me
Lire la chronique de And I a Twister Love What I Abhor
Catégorie : A la une, Entretiens
Artiste(s) : Einleit
Production(s) : Wheel Noise
[…] Le détour par le Petit Moulin, en haut de la rue Fontaine, était indispensable pour découvrir Einleit et leur obscure pop imprégnée de culture japonaise. Ca se passe dans la cave, blindée, ce qui génère une température infernale. La performance du trio nous a peu émue, mais difficile de se faire une idée dans ces conditions assez peu propices. Ca ressemblait plus à un happening qu’à un concert… Lire l’interview de Einleit […]
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