Entretien avec Chapelier Fou
Les Eurockéennes de Belfort auront toujours le don de nous surprendre. L’année dernière, alors que tous attendaient patiemment un nouvel album de Chapelier Fou, repus d’Invisible et légèrement nostalgiques de 613, Le Transistor a eu le bonheur de le voir annoncé dans la programmation du festival. Quelque part espérant l’annonce d’une sortie prochaine, on a sauté sur l’occasion de rencontrer ce virtuose qui sait tricoter violon et electro avec élégance et émotion.
[Update]Nouvel album à paraître le 22 septembre 2014 ! [/Update]Chapelier Fou
Ce professeur de musicologie raconte s’être retrouvé musicien par accident. « Normalement ça dure une demi-seconde, et moi ça fait cinq ans que je suis contre le mur. Je suis comme une espèce de crash test dummies, mais ralenti fois un milliard. »
Ce passionné de violons et de claviers tente d’expliquer ses méthodes de compositions. « Généralement je bidouille au clavier. Je suis mauvais claviériste, mais je fonctionne beaucoup par accords. Souvent, je prends juste du temps pour enregistrer des sons, de fixer ça sur des samples, puis je le joue pour voir ce que ça donne. C’est plutôt quand je me fais chier, que j’ai un air dans la tête, et que j’ai mon ordi à portée de main. Je prends le premier truc qui vient, comme un micro ou autre, et puis je cherche pas forcément à faire un morceau, juste à apprendre des trucs et à m’occuper. » Le compositeur aguerri et reconnu affirme ne pas maîtriser ses instruments de prédilections. « Comme je joue mal de tous les instruments, je peux pas jouer sans technologie. En plus, j’ai l’impression qu’au violon je joue de plus en plus mal. Bien sûr, j’ai le minimum acceptable pour le violon, mais une fois que tu sais jouer du violon, t’as encore des milliards de trucs à apprendre, et je me sens ultra limité techniquement. »
Après réflexion, Louis Warynski ajoute : « Mais le violon reste mon medium le plus direct : celui avec lequel j’arrive à me trouver le plus franchement et sans aucune abstraction… Je sais pas comment ça se fait, mais je suis ultra à l’aise avec le violon. A la fois ultra à l’aise et en même temps ultra limité. »
Auparavant, Chapelier Fou avait besoin de boire pour pouvoir improviser au violon. « Cela dit, j’ai toujours été un peu détaché, même quand j’étais au conservatoire. Ce que j’aimais bien, c’était aller dans les bars avec des potes et taper des jam sessions. Mais c’était quand j’avais quinze-seize ans, maintenant, je bois plus une goutte d’alcool avant les concerts : je peux pas, j’ai besoin de trop de concentration ! Et puis aussi chez moi, j’ai pris plein de drogues pendant longtemps, mais là… » Désormais, il n’est plus question de faire n’importe quoi en live. « Je n’ai absolument pas besoin de me détendre, au contraire même. J’ai besoin d’être ultra concentré. Je suis pas du tout dans l’idée de se lâcher en fait : je me lâche pas du tout sur scène, j’essaie de contrôler mes trucs. Mon délire il est super sérieux, je me prends vachement au sérieux. Je dis ça complètement sans prétention mais je fais pas de la musique pour rigoler. »
C’est donc en bidouillant des accords au clavier ou en se divertissant avec un micro ou un violon que les chansons naissent sur son ordi. « Je fais très peu écouter ma musique avant, mais quand même un tout petit peu notamment à Stéphane Grégoire, d’Ici d’Ailleurs ou Karim qui est mon ingé son. Mais c’est vrai qu’en général je fais pas trop écouter les choses. Souvent je joue quand même les morceaux en live avant de les enregistrer mais en fait ça peut aller dans les deux sens. Des fois je fais des morceaux chez moi mais vraiment dans une optique live, et du coup je les joue sur scène et ensuite je vais les enregistrer et des fois c’est complètement l’inverse. »
Malgré la patience des fans qui commence à s’amenuiser, Chapelier Fou ne veut pas se presser pour le troisième album. « Ca prend de plus en plus de temps en fait de faire des disques : les premiers disques c’était plus facile d’être original dans la mesure où j’avais rien sorti avant et ça faisait plusieurs années que je bossais sur ces titres. Maintenant c’est plus la même chose, ça demande énormément de réflexion parce que j’ai pas envie de me répéter. » Louis Warynski refuse de se plier à un rythme pour des sorties d’albums cadencées. « J’essaie de réinventer un peu tout, jusqu’à la manière de faire… Et puis je préfère quand j’ai pas la pression, que c’est moi qui choisis mes échéances. Donc là je bosse sur un disque mais je sais pas combien de temps ça prendra. Je préfère me donner le temps qu’il faut et faire quelque chose dont je sois satisfait. En fait, je préfèrerais ne rien sortir que de sortir des trucs dont je suis pas pleinement satisfait donc… »
Après cinq ans de tournées avec Chapelier Fou, le compositeur aspire à se poser un peu. « Depuis que j’ai commencé à faire de la musique, j’ai jamais arrêté les concerts : j’ai pas fait de vraie tournée, mais j’ai jamais arrêté de tourner. Donc j’ai pas vraiment pu avoir de vie personnelle. Là j’ai envie de partir en vacances quand j’en ai envie et de partir à l’étranger sans avoir forcément un concert de planifié. » Ce qui ne l’empêche pas de continuer à avancer sur ses projets. « Oui je sais, chacun ses problèmes : bien sûr c’est très chouette, j’ai une vie merveilleuse. Mais en ce moment, j’ai envie de plus exister pendant un moment, de me terrer chez moi. Je veux me concentrer pour être vraiment dans la recherche : j’ai envie de retourner vraiment dans l’expérimentation. Et puis j’ai un projet de musique de film ! »
Réclame
[Update] Chapelier Fou sera au Café de la Danse le 14 octobre 2014 ! [/Update] En attendant une annonce de concert, vous pouvez acheter Insivible et 613 de Chapelier Fou parus chez Ici d’Ailleurs – fort bon label au demeurant, qui compte dans ses rangs GaBLé, Mein Sohn William, Peter Von Poehl et Yann Tiersen… entre autres !Lire le live report de GaBLé au Café de la Danse
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Remerciements : Marion (Ephelide)
Catégorie : A la une
Artiste(s) : Chapelier Fou
Evenement(s) : Eurockéennes de Belfort
Production(s) : Ici d'Ailleurs
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