Entretien avec Tunng

Au début, Tunng s’est fait remarquer par l’utilisation de coquillages sur scène. Mais au fil des années, et des albums, le groupe britannique s’est surtout instauré une belle réputation pour ses fines mélodies folk. C’est pour cette raison que Le Transistor a voulu rencontrer Mike Lindsay, Ashley Bates, Becky Jacobs, Phil Winter et Martin Smith. Et ça tombe bien puisqu’ils viennent de sortir leur cinquième album Turbines.

Tunng

Les Tunng ont beau être de joyeux drilles sur scène, en interview ils rentrent sans détour dans le vif du sujet. « On s’était pas vus depuis si longtemps, donc quand on est revenus en studio, pris dans le feu de l’excitation, beaucoup de choses se sont créées, sans avoir besoin de chercher. »

Tunng-2013

Si Turbines s’est conçu dans l’excitation, l’ambiance est plus sombre que leur précédent … And Then We Saw Land. « Ce n’est pas aussi joyeux ou aventureux, c’est plus futuriste, avec un coté science-fiction. Ce n’est pas nécessairement personnel comme narration, plutôt fantastique en fait. Ça parle de personnes qui se retrouvent, alors qu’elles sont occupées à des choses différentes à des étapes différentes de leur vie. Et en même temps, c’est aussi à propos de notre propre situation qui s’est développée au cours des dernières années… »

Pour Turbines, Tunng a décidé de chambouler ses méthodes de composition.
Mike : Ça a commencé par une impro, chose qu’on n’avait jamais faite auparavant.
Martin : On a fait une impro de 25 minutes, qu’on a enregistrée, pour parfois n’utiliser que 4 secondes.
Mike : La différence surtout, c’est que j’ai déménagé en Islande, et que les autres se sont installés aux quatre coins du pays. Donc pour pouvoir travailler ensemble, on a été obligés de se retrouver. Et ça c’était nouveau pour nous. Ça signifie qu’on était concentré sur toute la durée du processus.
Martin : Pendant la première session de quinze jours, on n’a pas vraiment écrit de nouvelles choses, mais c’était cool : on cherchait surtout à tirer des idées de nos impros. Après une deuxième session dans le Dorset, on est restés un mois à Londres, puis on est partis en Islande pour construire autour des mélodies.
Mike : Au final on a plus été ensemble qu’on ne l’a jamais été sur les albums précédents. On a juste choisi les moments pour le faire…
Martin : C’est vrai, on n’a jamais été autant ensemble.
Becky : Notre méthode était différente, parce qu’on travaillait à deux parfois sur des morceaux. Et comme on n’avait pas le même temps à consacrer, il nous fallait être présent au maximum pour retirer le plus possible du temps qui nous était imparti.
Martin : C’était aussi intentionnel dans un sens, que de rester ensemble. C’était pratique bien entendu, mais c’était aussi voulu qu’on écrive ensemble cette fois-ci, en tant que groupe. »

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Cette option pour la composition en collectif a fortement influencé la musique du groupe.
Martin : Sans oublier qu’on a beaucoup changé de studios. A chaque fois qu’on quittait un studio il fallait éditer, faire un choix, ça veut dire qu’on doit arrêter une idée en chemin. Cet album est plein de décisions.
Mike : Avec en prime plus de personnes à prendre des décisions. Mais bien entendu, le processus est resté organique, naturel, basé sur la création, avec beaucoup de dialogue entre nous.
Martin : L’idée était de garder le meilleur de ce qu’on avait fait pour l’emmener dans le prochain studio. Donc Turbines c’est la crème de la crème de ce qu’on a fait ensemble, en tant que collectif. »
Ce qui fait qu’un embryon d’idée peut aboutir aux antipodes de ce qu’ils avaient prévu.
Mike : Au début, quand on a commencé le travail sur cet album, je pensais que ce serait bien plus expérimental, moins structuré, moins pop…
Martin : Tu étais inspiré par l’Ethiopie !
Mike : Je revenais de visiter le pays et j’étais tout excité : on va faire un album orienté sur la musique éthiopienne ! Et au final, il n’y a que quelques éléments qu’on a gardés, ça se sent surtout dans les rythmiques. ‘Trip Trap’ s’en inspire directement et ‘So Far From Here’ résonne aussi d’une vibration africaine, sur certains points. Mais c’est tout.
Martin : Mais c’est ce qui arrive quand on compose : on n’a pas le contrôle de ce qui est écrit, il s’esr écrit un peu tout seul cet album. C’est ce qui est beau dans la composition, mais on s’en rend compte surtout quand on fait des captures d’images au cours du processus. »

Tunng a presque l’impression d’avoir fini un cycle de composition.
Martin : On aurait voulu finir un cycle…. Parce que ça va faire dix ans depuis le premier album. Et on a débuté avec beaucoup de sons électroniques…
Mike : Au milieu de Turbines, l’album n’était absolument pas structuré. Ensuite, on n’a pas arrêté de le retourner dans tous les sens. Pour enfin évoluer, ce qui est une bonne chose.
Martin : Oui, pour celui-ci, c’est la méthode qui était expérimentale pour nous même si le résultat est structuré.
Martin : Et dans un sens, cette manière de procéder, si expérimentale, nous ramène au premier album. Qui était bien sombre d’après moi.
Mike : Le plus sombre de tous d’ailleurs…
Martin : Et en fin de compte, ce n’est pas du tout un cycle, c’est une évolution. »

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L’année dernière, Mike a sorti un album sous le nom de Cheek Mountain Thief. Il semble prendre le chemin de Sam Genders qui a quitté le groupe pour s’investir dans Diagrams.
Becky : Le groupe a commencé avec Mike et Sam et par la suite on a rejoint le groupe. Et Sam n’a pas arrêté de quitter et rejoindre le groupe. Mais je pense que nous sommes les membres essentiels : dès les premiers concerts, ça a été nous cinq, et ça l’est toujours.
Martin : Et le départ de Sam c’est la vie. Ca n’a rien à voir avec l’album de Mike, qui est juste un projet parallèle.
Mike : Quand j’ai fait ce projet, on venait de finir une tournée, donc on avait un peu de temps devant nous. Et en ce faisant, ça a débouché sur une nouvelle vie pour moi. Mais je suis revenu dans l’aventure. On a juste laissé la vie se passer, on suit le mouvement, c’est comme ça que ça se passe. Il faut juste aimer prendre des décisions.
Becky : En tant que groupe d’individus, on a envie de faire des choses différentes. En tant que musicien aussi, on a envie d’apprendre, de se nourrir de nos rencontres.
Martin : Oui c’est sûr que ça nous influence au passage. Au même titre que les collaborations que ce soit avec Tinariwen ou Buck 65. Et quand nos rencontres ou nos voyages s’insinue dans notre musique, ces influences s’insinuent aussi à l’intérieur de nous. Ce qui fait que c’est à chaque fois une expérience extraordinaire. Ca ne peut être que positif. »

Réclame

Turbines, le cinquième album de Tunng est paru chez PIAS.
Tunng sera en concert le 7 octobre à la Maroquinerie


Remerciements : Jennifer (PIAS)

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