Entretien avec Ewert & the Two Dragons
Cet été, on a découvert plein de groupes au festival FNAC Live. Sur le parvis de l’Hotel de Ville étaient notamment programmés Ewert & the Two Dragons. Le groupe, originaire d’Estonie, présentait son deuxième album Good man down. Le Transistor a rencontré Ewert Sundja et Erki Pärnoja pour essayer de découvrir le secret de leur joyau pop des pays Baltes.
Ewert & the Two Dragons
Tout d’abord, il faut admettre qu’on est assez surpris de voir un groupe de pop originaire de Tallin. « Oui, on est effectivement plus connus pour le metal, c’est le seul style de musique à dépasser nos frontières ! »
Certains affirment que leur musique a été préservée parce que justement tenue à l’écart de toute influence médiatique. « Je suis pas sûr. Si on prend notre cas, la musique qu’on écoute n’est pas celle qui était populaire quand on était jeune. En fait, on savait pas ce qui était à la mode ! Ce qui arrivait jusqu’à nous, c’était de la musique approuvée par les autorités. Et heureusement les Beatles avaient été approuvées, avec les Rolling Stones… » Car l’Estonie n’a obtenu son indépendance qu’après la chute du bloc de l’Est. « Mais il fallait surtout que nos parents soient suffisamment ouverts pour avoir les albums. On suivait leur mode à eux, ce qu’ils écoutaient à la maison. C’est pour ça que nos influences sont assez vieillottes. C’est ce qui fait que notre musique n’est pas altérée par les programmations radio. »
En URSS, seuls les réels mélomanes se risquaient à essayer de se procurer des albums de pop. « On pouvait pas les acheter dans un magasin parce que les frontières étaient fermées. Il y avait une sorte de marché noir… Et quand quelqu’un arrivait à avoir un vinyle d’une manière ou d’une autre, il le copiait une centaine de fois. Le problème du copyright se posait pas à cette époque-là. »
Leur approche des mélodies est touchante de simplicité. « Là ça a rien à voir avec notre nationalité, c’est plus une question d’amitié. Dans notre groupe, on partage les mêmes goûts, et on veut garder les choses simples, conserver les mélodies… C’est notre amour de la musique qui nous rassemble, on a la même vision. Si tu rassembles quatre hommes dans une pièce avec un but commun, rien n’est impossible. »
Première hypothèse, y’a plus de forêts en Estonie, c’est pour ça qu’ils sont plus inspirés. « Peut-être… mais je pense pas. Si la musique est pure, c’est parce qu’on la voulait pure. On s’est posé dans un endroit pour pouvoir composer, on a créé un espace de recréation, et on a composé au piano, pour éviter un son trop pop. » Le deuxième album a été conçu de la même manière que le premier. « On avait pas toutes les chansons, certaines sont nées en studio. Pendant les sessions de studio, on joue, on invente, on partage, on tente des trucs… On fait des sortes de puzzles avec des bouts de morceaux, pour voir ce qui marche. On veut juste faire de la bonne musique, qui nous ressemble, qu’on a envie de jouer. »
Ewert & the Two Dragons ont minimisé les arrangements au possible. « Sur l’album, on entend ce que nous on joue, on a choisi de pas utiliser dans la technologie trop moderne. Si on a un synthé sur scène, c’est pour retranscrire les instruments qu’on peut pas porter, mais sinon à l’enregistrement, c’est nous qui jouons de tous les instruments. Ca pourrait être encore mieux en live, mais c’est plus pratique de cette manière au niveau de l’organisation. On veut garder l’ensemble pur : les batteries c’est des réels futs, c’est ça qui rend cette pureté de son. »
http://www.youtube.com/watch?v=Sn4-Dh9rrcU
Leur premier album est passé relativement inaperçu, même dans les pays Baltes. « Quand on nous a décerné une récompense, on nous a qualifiés de groupe émergent, et c’était une surprise, parce que c’était déjà notre deuxième album. Du coup on nous demande souvent, et même en Estonie, quand est-ce qu’on se met au deuxième album, et euh… bah on a fait ça y’a deux ans ! »
C’est avec ce deuxième album qu’ils ont obtenu la reconnaissance du public en Estonie. « Au début y’avait un réel conflit, même au sein de notre communauté de fans, ils n’arrêtaient pas de se contredire. D’un côté, l’Estonie se plaignait qu’il n’y ait pas de groupe pour représenter le drapeau à l’étranger, mais d’un autre côté, on nous en voulait de pas chanter en estonien. » Après les avoir boudés, les médias les ont encensés. « Sur le premier album, ils avaient pas encore décidé s’ils nous pardonnaient ou pas. Ils nous disaient que si les paroles avaient été en estonien, ça aurait été un réel hit, mais ils pouvaient pas le passer en radio parce que c’était en anglais. Maintenant ça va mieux, on s’est rachetés… »
Ce succès leur a permis de partir à l’assaut de l’Europe. « On sait pas trop comment ça se passe. C’est notre manager qui s’occupe des contacts avec les labels, comme ça nous on se concentre sur la musique. C’est le plus important : quand nous on finit d’enregistrer l’album, c’est au manager de faire ses tours de magie. » Pourtant Ewert & the Two Dragons ne se sentent pas l’âme de guerriers. « Notre pays a plus l’habitude d’être conquis que de conquérir. Et pour le groupe, ça n’a jamais réellement été notre intention. Nous on est déjà bien occupés : on travaille à avoir un meilleur son en live. Après chaque concert, on a de nouvelles idées pour l’améliorer. On veut que ce soit plus fluide, encore plus relaxant. Et on laisse le travail de conquérant au manager… »
S’ils chantent en anglais, c’est uniquement parce que ça leur est venu naturellement. « On a grandi avec la musique anglaise… Ca crée une continuité avec ce qu’on entend depuis dix ou quinze ans. C’est mieux pour le style qu’on joue, on fait du folk et c’est une tradition que de le chanter en anglais. » Quant aux intentions des chansons, Ewert & the Two Dragons ne semblent pas les maîtriser. « On nous a déjà dit que nos chansons réveillaient des sentiments qui n’étaient pas du tout l’idée. Ca évoque des souvenirs qui sont pas liés à notre musique. Je sais pas si c’est une bonne chose. La nostalgie que ça éveille, ça peut sonner kitsch… Mais à la base, on voulait pas que ça sonne kitsch ! »
Réclame
Good Man Down, le deuxième album d’Ewert & the Two Dragons, est sorti chez Talitres/Differ-Ant.
Ewert & the Two Dragons seront en concert le 19 novembre à la Maroquinerie
Lire le live report d’Ewert & the Two Dragons au Fnac Live
Remerciements : Ophélie Surelle (FNAC)
Catégorie : A la une, Entretiens
Artiste(s) : Ewert & the Two Dragons
Evenement(s) : Fnac Live
Production(s) : Differ-Ant, Talitres
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